Monolithe sur la vallée.

Cela faisait tellement longtemps qu'il n'était pas retourné dans cette immense vallée, non loin de l'endroit ou il est née, il avait préféré s'en tenir éloigné depuis quelques années, mais cela lui manquait un peu de se reposer au bord de la rivière et de pêcher.
Il était arrivé depuis quelques heures maintenant, il était allongé dans l'herbe haute, observant le courant de l'eau cristalline, suivant du regard les poissons qui frétillaient sous l'onde. Une légère brise soufflait ; sur la plaine, faisant bruisser l'herbe qui semblait chanter, comme une chorale lointaine. Le son du courant de l'eau teintait l'atmosphère de fraicheur et de légèreté.
Rüstung profitait de chaque son, de la fraicheur sur ses écailles, de l'air frais chargé de l'odeur de la végétation qui parvenait à ses narines.
Il somnolait les yeux mi-clos, le bout de sa queue trempait dans l'eau, ses ailes étaient repliées.
Il pensait, il réfléchissait à un nombre incalculable de choses en même temps : il était particulièrement inquiet au sujet d'Yggdrasil, faisant travailler son cerveau à toute allure, il combinait chaque éléments en sa possession avec des conjectures et des connaissance, tirant des conclusions. Il cherchait inlassablement un moyen de lui sauver la vie ; mais qui pouvait bien avoir le don de guérir les blessures les plus terrifiantes ? L'immense dragon couleur de roche soupira lourdement, troublant le courant de la rivière devant lui.
Il venait de se déplacer il y a quelques heures à peine et la petite végétation habituellement présente sur son corps avait presque entièrement disparue : la mousse et le lichen n'avait pas supporter ni le décollage, ni le vole ni atterrissage passablement raté.
Soudain, Rüstung releva légèrement la tête, il avait un petit creux. Se lever pour partir chasser et poursuivre un gibier lui paraissait une idée bien trop fatigante, il préférait se contenter de quelques poissons. Il était particulièrement doué pour pêcher, même si il trichait un peu par rapport aux méthodes conventionnelles.
Ses yeux s'ouvrirent alors complétement, scintillant d'une lueur verte qui se reflétait sur les écailles des poissons : ces derniers nagèrent tout d'abord plus lentement avant de s'immobiliser, finissant par par se transformer en pierre, étranges et minuscules statuettes à l'effigie de truites.
Plongeant une de ses pattes avant dans l'eau, le dragon se saisit des petites créatures et les déposa dans sa gueule béante. Soudain, ses yeux cessèrent de briller et pâlirent de plus en plus, tremblant dans leurs orbites. Lorsqu'il annulait l'effet de ses pouvoirs, ses yeux réagissaient toujours ainsi ; il ne savait pas, d'ailleurs, si cela les abimait ou non. Mais pour le moment, il était plutôt en bonne santé et n'avait pas à se plaindre.
D'un premier coup de mâchoire, il décapita les poisson redevenues des êtres de chair et frétillants dans sa gueule ; il n'aimait pas sentir du mouvement sur sa langue tandis qu'il mangeait. Il mâchait lentement, posant sa tête sur le bord de la rivière, se laissant bercer par le tintement de l'eau claire. Il ressentait du plaisir : le plaisir de manger, le plaisir de se reposer dans un magnifique paysage ainsi que celui d'être au frais, la queue trempant toujours dans l'eau. Mais ce qu'il ressentait surtout, c'était du bonheur, il ne lui en fallait pas plus que cela pour être heureux en cet instant précis, pour oublier ses angoisses quelques temps.

Entre les dragons qui commençaient à se dire que leur cheffe était peu présente en ce moment et les autres qui s'agitaient et spéculaient sur l'éventuelle possibilité d'une guerre prochaine, Azphel avait décidé de s'éloigner de ces débats qui lui faisaient mal au crâne. Dragora se montrerait quand elle en aurait envie, la situation n'était pas urgente. Quant à la rumeur, il ne s'y intéresserait que si les faits étaient avérés. Par conséquent, comme dans 90 % des problèmes qu'il rencontrait, il décida de laisser le tout en plan et de partir à la chasse.
Ses traques successives l'avaient mené successivement aux plateau herbacés, aux steppes arides où il s'était pris à poursuivre un fennec avant d'abandonner et d'atterrir dans plaines vagues. Puis, en suivant des oiseaux migrateurs il était arrivé dans les vallées verdoyantes, sanctuaire du gibier et paradis pour les prédateurs.
Azphel s'accorda une petite pause sur une petite butte de pierre. Il ferma les yeux, humant le parfum des fleurs sauvages, laissant le vent caresser ses écailles et les rayons du soleil le réchauffer. Il pouvait ressentir autour de lui la vie fourmiller. Il avait l'impression que sous ses pattes, la vallée était vivante, respirait et se mouvait tout autour de lui, qu'il n'était qu'un élément la composant, ses actions soumises à son caprice.
Soudain, il perçut dans le vent l'odeur d'un chevreuil et décida de rompre le charme qu'opérait l'environnement sur lui. La chasse reprenait. Il quitta son perchoir et s'enfonça dans les hautes herbes. Tout en suivant l'odeur à la trace, il se représentait mentalement dans sa tête le lieu où se trouvait sa cible. Il finit par l'avoir à portée de vue. La bête broutait, insouciante du danger. Azphel se rapprocha doucement de sa proie, en rampant, attendant le moment propice où il pourrait lui sauter dessus et lui rompre le cou.
Il s'y prit trop tard. Le vent changea soudainement de direction. L'élan leva le cou vers le ciel puis regarda vers Azphel. Il avait repéré la présence du jeune dragon et déguerpit dans la direction opposée. Azphel bondit alors à la poursuite du cervidé qui s'enfuyait à toute vitesse. La course-poursuite dura un bon moment, les deux protagonistes se faufilant entre les bosquets, sautant par-dessus les buissons, piétinant les fleurs et effrayant les animaux dans leur entourage. Finalement, l'élan ne dût son salut qu'à sa fuite vers les territoires du Clan de l'Eau. Azphel abandonna la course, ne voulant pas se retrouver nez à nez avec un dragon de l'eau qui lui demanderait ce qu'il ferait là-bas.
Épuisé, il rebroussa chemin et se rendit vers la rivière pour s'abreuver. Il décela alors en amont une créature de grande taille. Un éléphant ? Un griffon ? Ou un autre dragon... ?
Prudemment, il remonta le cours d'eau. Quoi qu'il en était, la créature ne semblait pas bouger et restait immobile. Il découvrit alors un énorme dragon, allongé au bord de la rivière, se prélassant au soleil. C'était un dragon de terre, tout comme lui... Il secoua la tête brusquement pour chasser ses souvenirs. Ce qui était le plus surprenant, c'était la végétation qui s'était installée sur certains endroits de son corps. Comme s'il était un rocher quelconque... un hybride mi-animal mi-végétal/minéral. Tout à coup, il vit que l'inconnu était également en train de le regarder, impassible. Azphel réalisa qu'il l'observait sûrement depuis plusieurs minutes mais que celui-ci n'avait toujours pas réagi. Gêné, il se présenta :
« Je m'appelle Azphel, du Clan du Ciel. Qui êtes-vous ? », bien qu'il avait déjà une idée du clan auquel appartenait celui en face de lui.

Rüstung avait été tiré de ses songes mélancolique par le bruit et l'odeur d'un autre dragon : caractéristique entre les senteurs de gibier, de poisson et les divers parfum portés par le courant de l'eau. Après tout, il se trouvait sur un terrain de chasse très préciser de tous les prédateurs, il n'était donc pas étonnant de voir arriver quelqu'un de sa race.
Il leva péniblement la tête et scruta la direction d’où venait la senteur caractéristique, espérant simplement que ce ne soit pas un de ses frères et sœurs ou même ses parents.
Heureusement, il n'en été rien, car même si cette personne était vraisemblablement un dragon terrestre, il ne l'avait jamais vu auparavant. Le fixant toujours pour le détailler, il réfléchit un instant, toujours immobile, laissant balloter le bout de sa queue dans le courant de la rivière.
Avait-il envie de compagnie ? De quelqu'un avec qui parler ? Ou préférerait il la solitude, plus propice à profiter du somptueux environnement autour de lui qui mettait en joie ses cinq sens ? Après mûre réflexion, il se dit que si il restait seul trop longtemps, alors la folie pourrait bien venir le chercher. Il ne pouvait pas céder à la folie, il avait tant de choses importantes à faire, des choses nécessitant d'avoir toute sa tête ou presque.
Il restait couché la, avec nonchalance et inertie, observant le dragon qui venait vers lui, ayant finalement remarqué sa présence ; lui aussi semblait détailler Rüstung.
Il était plus petit que lui, avec une grande paire de corne bien dressées sur la tête : il avait l'air vif, son regard avait quelque chose de vivant, il semblait plein d'énergie. Sa couleur pâle mêlée aux rayures vertes de son corps et au verso de ses ailes lui laissaient penser qu'il devait être fort habile à se cacher dans la végétation.
Le visage de Rüstung n'afficha aucun expression tandis qu'il souffla vivement par les nasaux, comme si l'effort de relever la tête était pénible pour lui ; un peu plus de mousse et de lichen se décrochèrent de son corps tandis qu'il faisait ce mouvement. L'autre venait de lui parler, c'était donc un certain Azphel qui appartenait au clan du ciel. Il était étrange de penser qu'un dragon originaire du clan de la terre avait finalement rejoint le clan du ciel : au moins cela prouvait que l'inconnu avait l'esprit ouvert. D'ailleurs, son regard ne trompait pas, il avait de la présence d'esprit, plus que beaucoup d'autres, sans doute que Rüstung apprécierait vraiment sa compagnie.
Il continua de le fixer un instant sans rien dire, le regard vide. Sa queue bascula à nouveau, jaillissant de l'eau courante pour aller s'écraser mollement sur la berge, faisant gicler au passage quelques goutes d'eau sur les ailes de l'immobile : appréciant le brin de fraicheur, il reprit la parole. Il prononçait avec précaution et clarté chaque syllabe, comme il le faisait toujours, de sa voix basse et profonde.

-"Rüstung... Du clan de la terre. Chassais-tu ?"

Il observait Azphel en silence, attentif, son regard vert vif posé sur le visage de son interlocuteur, tout en lui inspirait l'inertie et la lourdeur. Pourtant, il était en forme aujourd'hui, mais il avait encore moins envie de bouger que d'habitude. Sans doute à cause de la fatigue engendrée par le voyage.
Quoi qu'il en soit, sa question était pure courtoisie, il savait très bien qu'Azphel était entrain de chasser. Cela se sentait dans son parfum, son souffle et sa simple présence ici.

     L'inconnu le fixa dans les yeux de son regard intensément vert. Mal à l'aise, Azphel baissa la tête vers le lichen et la mousse qui tombait du dragon, attendant la réponse. Décidément, il ne devait pas bouger très souvent pensa-t-il. Le bruit de l'eau attira son attention et il porta le regard sur la queue de son locuteur qui l'avait ramenée sur la berge, éclaboussant au passage ses ailes immenses.
     Il fut tiré de son examen par la réponse à sa question – bien plus tard.

-"Rüstung... Du clan de la terre. Chassais-tu ?"

     Il ne s'était donc pas trompé pour le clan.
     La façon dont le dénommé Rüstung lui répondit le surprit un peu. Sa voix était grave, ses mots détachés, bien pesés et il utilisait la structure minimale nécessaire à une phrase pour répondre. Il y avait un contraste entre sa voix et son regard d'un côté et son attitude nonchalante de l'autre. Azphel sentait qu'il émanait de Rüstung une certaine sagesse, beaucoup de savoir et surtout, une vivacité d'esprit. Il devait être très intelligent et le jeune dragon se mit à penser qu'ils pourraient bien s'entendre et faire des réflexions sur des sujets qui n'intéressaient personne dans son entourage – les siens préférant la bagarre ou l'action sous n'importe quel prétexte.
     Malgré sa taille et la végétation qui lui poussait dessus, le grand dragon était relativement jeune. Pourtant Azphel n'aurait pas été étonné s'il devait être plus âgé.
     A entendre la voix de Rüstung, le chasseur se sentit plus lourd et eut moins envie de bouger. Comme si l'attitude de son interlocuteur déteignait sur lui. Ce n'était pas tellement de la fatigue, plutôt comme un appel à se poser, à se laisser aller. Pourquoi s'agiter et ne pas profiter du paysage alors qu'il fait si bon ? Les célestes devraient l'écouter parler de temps en temps, comme ça il aurait la paix plus souvent.

« En effet, je chassais un élan. Mais il m'a échappé. », finit-il par répondre.

     Il rajouta :
« Ceux de mon clan commençaient à s'agiter. Je les aime bien, mais des fois leur compagnie se fait trop présente et devient pénible. J'avais besoin de calme. ».

     A vrai dire, il ne savait pas pourquoi il racontait tout ça à quelqu'un qu'il connaissait à peine. Mais son interlocuteur son inspirait la confiance sans qu'il ne sache pourquoi.
     Beaucoup de questions se bousculaient dans son crâne. Qu'était devenu son clan d'origine ? Il n'avait jamais eu le courage d'y retourner et hésitait à poser la question. D'ailleurs, il se demandait s'il n'était pas en train d'ennuyer l'autre.

« J'espère que je ne vous ai pas dérangé ? »

Rüstung observait son interlocuteur du coin de l’œil, trop occuper à regarder dans le vague du courant de l'eau, à perdre son regard dans ses pensées.
L'autre avait l'air de se faire les mêmes réflexions que lui à son sujet ; les personne d'esprit se reconnaissaient parfaitement entre elles sans pour autant avoir à communiquer.
Il laissa échapper un bref grognement profond et approbateur lorsque l'autre lui confirma qu'il était entrain de chasser, ce n'était guère étonnant cela dit. Si il poursuivait un élan, il devait avoir courut longtemps, car ces bestioles ne vivent en général que sur les pourtours du territoire : hors, ils étaient en plein cœur de celui-ci au vu de la présence de la rivière. De plus, il n'avait pas réussit à l'attraper, le pauvre, se donner tant de mal, faire tant d'efforts pour rien. Rüstung laissa échapper un autre grognement, qui ressemblait bien plus à un soupire.
Puis il tourna à nouveau les yeux vers son interlocuteur qui avait enchainé sur le ton de la conversation : il parlait de son clan, celui du ciel. Il précisa qu'il les trouvait trop agités et qu'il était venu chercher le calme ici, ils allaient vraiment bien s'entendre finalement. La voix basse de l'immobile résonna à nouveau tandis qu'il reposait sa tête sur le rebord de la rivière, suivant du regard les quelques poissons qui nageaient la.

-"L'agitation est mauvaise pour la santé... Et pour la paix."

Il prit une grande inspiration et lâcha un râle roque de lassitude. Le clan du ciel avait le visage d'une bande de dragonnets capricieux aux yeux de Rüstung. Ils disaient vouloir vivre dans un monde en paix ; mais à force de s'agiter en tout sens pour la chercher, ils s'en éloignent au fur et à mesure. Le clan de la terre, lui, était toujours resté égal à lui-même, aussi longtemps qu'il pouvait s'en souvenir. Il était d'ailleurs un des archétypes de cette mentalité : prendre du recul, n'agir qu'au moment opportun, endurer toute souffrance.
Azphel demanda finalement si sa présence dérangeait Rüstung. Cette personne bien qu'intelligente ne semblait pas spécialement sûr d'elle aux yeux de l'immobile.

-"Non..."

L'individu n'était pas très bavard et répondait le plus souvent par des grognements approbateurs. Mais il n'était pas nécessaire de s'exprimer plus, les deux dragons semblaient être sur la même longueur d'onde et penser la même chose.
En parlant de son clan, le dragon plus âgé avait également désapprouvé leur agitation avant de pousser un soupir. Azphel avait conscience que certains n'appréciaient pas son clan, dont les membres étaient qualifiés parfois de « pacos revendiquant la paix par la guerre ». Mais Rüstung lui confirma que sa présence ne le dérangeait pas.
Le dragon du ciel, influencé par la voix grave de l'immobile qui l'incitait à ne plus bouger, décida de s'installer dans l'herbe, pas loin de lui, tout en continuant à l'observer avec une certaine curiosité. Il ne se souvenait pas que les dragons de terre étaient aussi calmes. Ce n'était pas la dernière image qu'il avait d'eux...
Azphel resta un long moment sans parler, écoutant le murmure du ruisseau et celui du vent qui soufflait sur les hautes herbes, leur donnant parfois un reflet argenté.
L'autre en face lui semblait à ce moment-là comme un songe resurgissant du passé. La nostalgie l'avait à nouveau envahi, il repensait aux moments heureux où il gambadait et jouait dans les steppes arides en maltraitant un baobab. Il se demandait si l'arbre avait survécu.
Finalement, il se résolut à poser à Rüstung la question qui lui brûlait la langue depuis un bon moment déjà :

« J'ai appartenu au clan de la terre les vingt-cinq premières années de ma vie. Je voulais savoir... qu'est devenu le clan à présent ? Est-ce toujours le même chef qui le dirige ? »

Rüstung était passablement détendu ; cette personne avait une conversation agréable et il n'était pas du genre agité, ce qui était tout à fait à son gout.
Soudain, il lui sembla ne plus entendre les bruits de la nature, le murmure du vent, le bruissement léger de l'eau ou celui de l'herbe. Il lui sembla que le décor autour de lui s'était un peu éteint, refroidi. C'était certainement dû à un mauvais pressentiment, il avait l'impression que sa sérénité s'en allait loin de lui, qu'il ne parviendrait pas à la rattraper aussi facilement et qu'il devrait faire face à quelque chose, mais à quoi ?
Il se souvint de son enfance, l'époque ou il passait de longue heures à jouer ou à parler avec Yggdrasil, elle était pleine d'énergie, mais elle au moins savait quoi en faire, pas comme les autres. Il était ravi, plutôt heureux de savoir qu'il existait une personne comme elle dans ce monde ; que n'aurait il pas donner pour trouver le remède à ses blessures.
Mais pourquoi se souvenir de cela maintenant ? Pourquoi cette lointaine préoccupation revenait le hanter ? Voila pourquoi il avait une mauvaise sensation depuis tout à l'heure, il était gagné par l'angoisse, comme si cet Azphel était sur le point de lui poser une question embarrassante sans en avoir conscience.
Ce qu'il fit. Après avoir précisé qu'il avait fréquenté le clan de la terre vingt-cinq années durant, il voulu se renseigner sur ce qu'il était devenu, prenant des nouvelle du chef. Était-ce ce que l'on appel le destin ? L’inéluctable fatalité ? Rüstung poussa un profond soupir roque et changea sa queue de position, déclenchant un certain brui, soulevant des mottes de terre. Sa voix était encore plus grave que tout à l'heure, son regard encore plus vague.

-"Le clan se porte bien... Celle qui était sensée être la cheffe est mortellement blessée..."

Nouveau soupira tandis qu'il se redressait en prenant une grande inspiration. Le stress et l'angoisse lui donnaient envie de change d'endroit, il se sentait étrangement plein d'énergie, il avait retrouvé la volonté de chercher un guérisseur, même si sa quête devait être veine.

A peine eut-il posé la question qu'Azphel sentit l'aîné devenir nerveux. Impression confirmée en l'entendant soupirer à nouveau puis par le brusque changement de position de sa queue. Y avait-il eu un problème grave ?

-"Le clan se porte bien... Celle qui était censée être la cheffe est mortellement blessée..."

La voix de Rüstung lorsqu'il lui annonça cette nouvelle était encore plus grave et son regard encore plus indéchiffrable. Donc, c'était une femelle qui dirigeait le clan maintenant. Malgré l'impassibilité apparente du dragon terrestre, le chasseur comprit qu'il était préoccupé par l'état de sa cheffe. État qui devait être très inquiétant s'il avait pu sortir quelqu'un d'aussi calme de sa tranquilité.

« Comment peut-elle être encore en vie ? », souffla Azphel, inquiet.

Le géant se redressa brusquement surprenant Azphel qui abandonna son état engourdi.
Par réflexe, il se remit immédiatement sur ses quatre pattes. L'autre semblait prêt à l'action, bien que le chasseur ne savait pas ce qu'il voulait faire.

Il aurait vraiment aimé pouvoir se rendre utile, mais comment ?
Il devait l'aider, aider sa cheffe blessée. Donc il fallait trouver quelqu'un qui puisse guérir, un guérisseur. Il y avait de nombreux guérisseurs sur tout le continent, y compris dans le Clan de la Terre mais apparemment, sa blessure était telle que cela surpassait leurs compétences. Donc un guérisseur qui pourrait guérir les plus remarquables blessu... UNE guérisseuse. Parfois, Azphel se sentait lent.

« Il y a une solution ! », s'exclama le jeune dragon, brisant le silence qui s'était installé dans l'atmosphère à présent tendue.

Peu importe si cette agitation soudaine déplaisait à Rüstung.

Les yeux brillants, il reprit plus calmement :
« La dirigeante de mon clan, Dragora, est une guérisseuse. Mais pas n'importe laquelle. Elle possède un véritable don qui peut guérir les pires blessures qui puissent exister. Je suis sûre qu'elle pourra faire quelque chose pour vous. »

Rüstung était complétement alerte, comme saisi d'une soudaine prescience, son esprit était plus clair que jamais, il ne savait pas pourquoi. Il savait juste qu'il devait se tenir près, d'un moment à l'autre, quelque chose allé se produire.
Le vent avait tourné, de nouvelles odeurs venaient lui chatouiller les naseaux, ses pupilles se dilatèrent à leur maximum, chacun de ses muscles étaient sous tension.
Le pauvre Azphel ne devait pas comprendre grand chose à ce comportement si soudain, mais l'immobile avait depuis longtemps prit l'habitude d'agir comme si il était seul, mais il n'en oublia pas moins son interlocuteur. Et lorsque celui-ci lui demanda comment elle pouvait être toujours en vie, il répondit avec un brin d'indifférence :

-"Je l'ai changée en pierre."

Continuant de guetter ce changement dans l'air, cette tension dans l'atmosphère qui semblait sur le point d'éclater et de révéler un nouveau chemin, il continuait à tendre l'oreille a Azphel. Celui-ci semblait en pleine réflexion, peut être lui apporterait-il la réponse, peut être était-ce lui à nouveau qui allait être le déclencheur d'un processus de réaction en chaine dans l'esprit de Rüstung. Ce qui ne manqua pas d'arriver bien évidemment.
Il lui parla de la dirigeante de son clan, Dragora. S'en remettre à la cheffe des dragons célestes était une idée saugrenue, mais si il fallait en arriver la, alors il le ferait sans hésiter une seule seconde.
Il déploya soudain ses ailes, d'un grand geste sec. Puis, tournant la tête vers son camarade terrestre il dit :

-"Je te revaudrait cela."

Il abattit alors furieusement ses ailes, s'arrachant à la gravité en soulevant beaucoup de terre et de végétations sous la pression de l'air sous ses ailes. La dirigeante céleste ne devrait pas être bien difficile à trouver, et puis il avait tout son temps ; si Yggdrasil avait attendu des années, qu'étaient donc quelques jours ?