Le vent dans la plaine

Le vent soufflait, faisant onduler l'herbe sur les plateaux. De nombreuses odeurs lui parvenaient, des parfums délicieux que le vent charriait, l'odeur légère de la terre, celle, plus sucrée, des fleures. Une odeur sauvage et bestiale, peut être un ours. Nidhögg darda sa langue hors de sa bouche, goutant ces saveurs qui ne laissait qu'une trace très discrète sur le palais. Il aime ça, le vent qui caressait son corps, venant se piéger dans ses voilures, enveloppant sans le retenir.
Il observa le plateau, endroit faussement infinie ou les vents n'avait aucune barrière pour les empêcher de souffler, aucun rempart pour tenter de les emprisonner. Une liberté totale qui démangeais son corps tout entier, l'attirant dans cet espace pour qu'il puisse s'y propulser et gouter à l'ivresse que lui procurait un vol libre et sans but.
Ses griffes labourèrent le sol un instant, ripant sur une roche. C'en était trop. Il s'arracha au sol dans un puissant coup d'aile, s'éleva un instant, prenant la hauteur nécessaire pour se laisser entrainer par le vent. Il accéléra la poussée élémentaire, et se mit à parcourir les plaines, frôlant parfois le sol, plongeant, remontant telle une flèche en une vrille qu'il stoppait brutalement en ouvrant grand ses ailes. Chacun de ses muscles étaient sollicités, la membrane de ses ailes se tendait en frôlant le douloureux. La vitesse et les cabrioles rendait sa vision floue, le perdant dans un océan de vert. Seul un sifflement parvenait à ses oreilles, et la fraicheur glissait sur ses écailles. Il emplit ses poumons d'air frais et une inspiration.
Bon sang, que c'était bon !

Une tâche blanche attira son attention. Les plaines avaient rarement de la neige à cette époque de l'année, et hormis un joyaux géant d'une blancheur parfaite que personne n'aurait encore emporté, cela n'avait rien de naturel dans ce coin. Il stoppa sa vrille et sa course de ce fait, tirant sur les muscles de ses ailes pour lui permettre de se stabiliser. il brassa l'air de ses larges ailes, observant avec intérêt cette tâche blanche. C'était vivant, à n'en pas douter.
Le dragon passa sa langue sur ses babines, découvrant ses crocs en un sourire carnassier. Un dragon, ou une dragonne, il n'en savait rien, et ne pourrait pas le savoir sans s'être approché. Il s'en réjouissait d'avance. rencontrer ses semblables était toujours quelque chose de délicieux. Se laissant planer de manière bien plus paresseuse afin de reprendre son souffle, il se rapprocha, observant tout son soul. Il se permit même de tourner un instant autours, tel un oiseau de proie, avant de se poser quelques mètres devant elle. Oui, elle, une dragonne toute blanche. Elle était presque mignonne, à croquer même.
Il battit un instant des ailes, comme pour vérifier que tout marchait encore. Il avait tout son temps avant d'entamer la discutions. Il fallait être patient, voir quelle serait la réaction de la dragonne qu'il toisait toujours. Il avait dit un joyaux, et effectivement, cela s'en rapprochait. mais n'était-ce qu'une pierre semi-précieuse, dont l'apparence pourtant attirante ne renfermait que du sable ? Ou ce joyau était-elle intacte, et l'intérieur semblable à l'extérieur dans sa pureté ?
Il s'avança, l'encolure fière, un sourire en coin.

"- Et bien. A qui ai-je l'honneur ?" Fit-il, réduisant peu à peu la distance entre eux.

Il observait les réactions de la dragonne, se demandant si elle le connaissait ou s'il était encore inconnu pour elle. Qu'importe si elle savait son nom ou les légendes qui accompagnait Nidhögg le fou. Il saurait se satisfaire de ce qu'on lui donnerait.
En plus, il était de bonne humeur.

[HJ: Pour Dragora !]

Dragora claqua des mâchoires. Elle était furieuse. Le lapin qu'elle avait déniché ce matin-là avait été trop rapide. C'était un petit lapin de couleur brune, mignon, si mignon qu'elle en aurait volontiers fait un repas. Mais dès qu'il vit l'animal blanc s'approcher, il courut à une vitesse fulgurant se cacher dans son trou.

La dragonne n'était, au départ, pas venu ici pour se nourrir. Le vent des plateaux l'avait attirée pour son goût et sa senteur particulière, qu'elle n'avait que rarement eu l'occasion de toucher. Elle aimait bien ce vent-là. Lorsqu'on était en altitude, comme sur ce plateau de montagne, l'air était différent d'en bas. Et la dragonne appréciait cet air-là. C'était pourquoi elle avait décidé de se rendre aux montagnes pour gober ce vent frais.

Bien entendu, tout autre prétexte pour y rester était valable. Ce petit lapin par exemple. Elle en était tombé attendrie dès qu'elle l'eût vu. Elle s'était approchée et il avait détalé, ce nigaud.


Dragora grogna. Elle écrasa sa patte griffue sur la tanière, comme pour la démolir. Puis, elle commença à creuser. Son museau furetait parfois dans l'ouverture pour tenter de déceler l'odeur de sa proie.

*Je te trouverai, petit...*

Elle était entièrement penchée sur le petit trou lorsqu'un grand courant d'air et une odeur étrangère l'atteignirent. Elle se redressa aussitôt, sur le qui-vive, et lorsqu'elle vit qu'il s'agissait d'un autre de son espèce, elle se raidit tel un garde-à-vous en tentant de faire oublier la position étrange où elle se trouvait un instant auparavant.

L'individu était tout vert et avait de grandes ailes. Il souriait légèrement, d'un de ces sourires charismatiques que Dragora avait déjà vus par le passé. Il ne parla pas tout de suite et semblait prendre tranquillement son temps. Ami ou ennemi ? La dragonne n'en savait rien encore. Elle afficha une expression de curiosité méfiante sur le visage.

"- Et bien. A qui ai-je l'honneur ?" demanda-t-il.

Sa voix, grave et profonde, sonna un instant dans l'esprit de Dragora comme un écho. Apparemment, il ne la connaissait pas, et elle non plus. Mieux valait prendre ses distances et ne pas tout dévoiler tout de suite, notamment en ce qui concernait son statut social.

"Je suis Dragora. Du Clan du Ciel."

Elle observa sa réaction. Ce nom lui rappelait-il quelque chose ?

"Et vous, qui êtes-vous et de quel clan ?"

Bien. La terre avait tachée la blancheur des pattes et du museau, et cela était tout à fait adorable. La curiosité teinté de méfiance qu'il lisait sur le visage de la dragonne ne faisait que renforcer cette impression. Elle était, en cet instant du moins, à croquer. Son sourire s'accentua, et le dragon vert redressa un peu plus l'encolure, s'avançant encore. Sa queue s'agitait tranquillement, fouettant l'herbe paresseusement.
Il attendit qu'elle réponde, calculant simplement ses prochaines réactions. Il était bien évident qu'il manquait de courtoisie, mais, après tout, qu'en avait-il à faire ? Il pourrait largement se faire pardonner, pour peu qu'il s'en donne la peine. Mais ce qu'il apercevait lui plaisait beaucoup. Il inspira doucement, essayant de repérer l'odeur de la dragonne, puis souffla doucement. Dragora... ce nom lui disait vaguement quelque chose, mais il n'avait pas tellement envie d'approfondir cela. Il verrait en temps voulut, lorsque la dragonne lui révèlerait tout ce qu'il y avait d'important à savoir. Il n'était pas pressé, tout était plus simple lorsqu'il n'y avait que des noms, et pas des titres. Dragora... Il savoura intérieurement la sonorité du nom, juste un instant avant de revenir entièrement à son interlocutrice.
Toujours souriant, le dragon s'ébroua un instant comme s'il avait oublié quelque chose de fondamental.

"- Oh, veuillez m'excuser."

Il se redressa cependant la seconde qui suivit son encolure, gardant sa posture fière même dans ses "excuses".

"- Voila qu'en contemplant un joyaux, j'en oublie la politesse. Je suis Nidhögg, pour vous servir, fils de la dragonne Yrgöd et du dragon Nirdënt. Je ne suis lié à aucun clan, et, comme mes parents, je n’appartient qu'aux grands espaces."

Il fit une pause, le temps qu'elle enregistre tout ce qu'il venait de dire, inclinant légèrement son buste et sa tête, tout en relevant une patte et en entrouvrant une aile dans une révérence de toute noblesse. Il soignait volontairement son image, surtout face à un membre du clan du ciel. Le raffinement semblait être le lot des gens de cette caste, que la guerre effrayait. Qu'il ait surpris Dragora le nez dans la terre en train de creuser ne rentrait pas en ligne de compte, il trouvait ça tout à fait charmant.

"- Mais il me semble que je vous ai surprise en pleine action. Puis-je vous être d'une quelconque utilité, chère Dragora du clan du ciel ?"

Il gardait son sourire, amusé, tout montrant d'une patte négligente ce qu'il restait du terrier. Il ne comptait pas vraiment se salir comme elle venait de le faire. Il ne savait pas vraiment ce qu'elle cherchait, mais dans tous les cas, il pouvait sans doute offrir mieux.
Il s'approcha une dernière fois, réduisant définitivement toute distance entre eux. Il baissa un instant la tête, se demandant jusqu’où il pourrait approcher avant qu'elle ne recule ou ne lui demande s'arrêter.

Le dragon vert ne semblait pas hostile au premier abord, mais son comportement montrait clairement qu'il n'était pas du genre à dire ses pensées au premier dragonnet qui passe. Autrement dit, ses véritables intentions étaient probablement cachées.
Dragora se demanda quelles étaient-elles, et se perdit quelques instants dans ses pensées. Elle en fut tirée lorsque le grand mâle répondit à sa question :

"- Voilà qu'en contemplant un joyaux, j'en oublie la politesse. Je suis Nidhögg, pour vous servir, fils de la dragonne Yrgöd et du dragon Nirdënt. Je ne suis lié à aucun clan, et, comme mes parents, je n’appartiens qu'aux grands espaces."

Dragora inclina légèrement la tête sur le côté, intriguée. Tout d'abord, elle ne comprit pas le mot "joyau". Elle jeta discrètement un oeil autour d'elle pour vérifier de quoi il parlait, mais qu'importe. L'identité du dragon comptait plus : il se nommait Nidhögg, nom qu'elle avait déjà entendu quelques fois, dans un rapport d'un de ses éclaireurs. Oui, Nidhögg avait été décrit comme un être sombre et malsain ; souvent qualifié de "fou", il avait déjà égratigné un ou deux Dragons du Ciel pour une "raison inconnue", selon les agents.
Alors que ces souvenirs remontaient dans l'esprit de la dragonne, celle-ci afficha une expression teintée d'une curiosité encore plus accentuée. Le dragon vert forêt en face d'elle était-il le "fou" dont on lui avait parlé ?
D'ailleurs, la révélation à propos de son appartenance à aucun clan ne manqua pas de surprendre la dragonne, même si immédiatement après, elle se dit : *Mais oui, c'est tout à fait logique.*

Ce ne fut que lorsque Nidhögg fit une majestueuse révérence que la dragonne blanche saisit le sens de "joyau". Oui, il l'avait effectivement surprise en pleine action, du moins cela dépend de la définition que l'on a de "pleine action". Il proposa même ses services pour venir en aide à la femelle, en désignant le terrier du lapin. La dragonne était sur le point de rougir devant une telle situation mais réussit à se retenir pour éviter les quiproquos et autres malentendus.

"Hum... eh bien... je... je cherchais un trésor."

Ah ! La minable ! Elle ne souhaitait pas avoir l'air idiote en disant qu'elle voulait attraper un stupide lapin, mais là, le mensonge était bien bas.

"Enfin, un diamant. J'avais cru voir un diamant, et euh... en fait je crois qu'il n'y en avait aucun."

Mmmh... non, ça ne le faisait toujours pas. En tout cas, le lapin venait juste de sortir de son terrier et de détaler à travers les herbes pour s'éloigner des prédateurs. Le dragon vert l'avait sûrement vu et avait probablement deviné la vérité. Dragora sut que toute tentative de sauver son honneur était fichue.

La dragonne ne sembla pas comprendre qu'il parlait d'elle en des termes plutôt flatteur. Ce n'était pas grave, il finirait par capter toute son attention, cela viendrait en temps voulut. Si son nom lui disait quelque chose, elle n'en montra rien. Le fou ne savait pas si cela était en son avantage ou pas, mais il ne se fit pas prier pour la regarder réfléchir. Elle était curieuse, ça lui allait. Il n'y avait rien de mieux que la curiosité pour tenir quelqu'un, le faire rester toujours plus, le tenir un instant et en apprendre un peu plus à chaque instant.
Le fait qu'il soit solitaire parut la surprendre un peu plus que les rumeurs sur un dragon fou. Intéressant.
La petite était sans doute bien ancrée dans son clan. La survie en dehors, seul, sans interaction quotidienne avec un autre membre de sa race pouvait être perçu comme une tourmente. Elle était encore jeune, mais déjà bien trop prise par les folies et les idées des autres. Pouvait-elle simplement comprendre ce qu'il ressentait ? Ou alors, les cicatrices du dragon lui donnait l'impression que la vie de solitaire était quelque chose de particulièrement dangereux. Ce n'était pas faux, mais sans doute pas à l'échelle qu'elle imaginait.

Le trouble de la dragonne le fit sourire à plein croc. Il aurait voulut résister à l'envie, mais elle était vraiment charmante, à tenter d'expliquer quelque chose qui sonnait faux. Des trésors ? En terre sauvage ? Il en doutait. Mais il n'avait pas l'intention de la contre dire pour le moment, elle était trop mignonne en cet instant. Peut être qu'elle avait compris un peu mieux qu'il l'avait crut au départ, et qu'en cet instant, le ridicule de sa position la gênait. Impossible de faire son ingénue, le museau et les pattes couvertes de terre.

"- Un trésor ?" Répondit le dragon, penchant légèrement la tête, amusé.

Il observa un instant l’amas de terre, trop prêt du sol pour contenir de grande richesse. Mais il attendit patiemment, pour qu'elle continue à l'amuser comme elle le faisait. Les explications étaient rudimentaires, presque désespérée. Mignonne dans son innocence, vraiment.

"- Un diamant ?" Fit-il à nouveau.

Mais cette fois il se garda bien de regarder la motte de terre. Dragora n'avait pas l'air prête à lui expliquer ce qu'elle cherchait vraiment, mais ça ne devait avoir que peu d'importance. Il se pencha vers elle, si prêt que son museau écailleux frôla celui de la dragonne blanche. Il souffla doucement par les naseaux, dans le but de faire s'envoler la terre qu'il voyait, sans réel succès. Il tâcha d'afficher un sourire plus charmeur, plantant son regard dans celui de Dragora.

"- Oh, mais ce n'est pas perdu. Il y a ici bien plus beau et pure qu'un diamant." Fit-il d'une voix suave.

Un mouvement attira son attention, dans un coin de sa vision. Un lapin, un petit être brun qui détalait. Et qui aurait réussi si le dragon n'avait pas était autant aux aguets de nature. La petite chose courrait pour s'enfuir, se réjouissant sans doute de la distance qui venait de se creuser entre eux. Un Lapin ? Était-ce pour ça qu'elle avait eut les pattes et le museau dans la terre ? Une violente bourrasque fit valser la créature jusqu'au patte du dragon, qui, d'un coup sec, l'emprisonna entre ses griffes, faisant craquer les os sans trop abimer la fourrure. Il regretta un instant sa rudesse. Mais ce n'était pas grave, soit elle était déjà au courant, soit elle se rendrait rapidement compte de sa violence naturelle.
Un lapin ? Un repas plutôt frugal. Mais il se contenta d'observer la créature inerte un instant, avant de reporter son regard vers la dragonne. Intéressant.

"- Hum... Voila que je m'emballe en voyant une délicieuse créature..." Quelque chose dans sa voix montrait qu'il ne parlait pas forcément du lapin. "- Cependant, je n'ai pas utilité de celle ci. J'ai déjà mangé récemment. Considére ceci comme un cadeau."

Il attrapa la dépouille, la tendis à peine vers Dragora. Le contact serait obligatoire pour récupérer la viande, et il était curieux de voir si elle oserait le toucher.

Dragora retint son souffle lorsque le dragon vert approcha son museau du sien. Que voulait-il ? Ah, simplement essayer de faire partir la terre qui était restée fixée sur les mâchoires blanches de la dragonne. Il est vrai que ça devait faire tache. Elle resta immobile. Un sentiment de soulagement la prit lorsqu'elle sut qu'il n'allait pas la lécher pour faire s'envoler cette poussière. Du moins, pas pour le moment...
Un sourire charmant s'esquissa sur le visage du dragon vert, et son regard s'installa dans celui de Dragora. Vraiment, ses intentions étaient étranges. La dragonne blanche avait déjà vu des mâles se comporter ainsi pour approcher les femelles. Mais jusqu'à présent, jamais, au grand jamais l'un d'eux s'était intéressé à ce point à sa propre personne.

"Plus pur qu'un diamant," chuchota-t-elle en répétant sans vraiment s'en rendre compte ce que venait de souffler Nidhögg.

Quelque chose attira l'attention du grand mâle. Ah, ça y était, il avait repéré le lapin. Dragora n'osa pas jeter son regard vers la petite proie qu'elle avait chassée quelques instants auparavant. Une grande bourrasque venant de nulle part la surprit, et elle dut s'accrocher au sol avec ses griffes pour ne pas se faire emporter. Le lapin se retrouva l'instant d'après entre les griffes de Nidhögg, comme par magie.

Dragora resta muette alors que le dragon vert reporta son regard sur elle. Il murmura un compliment - cette fois, elle le savait, il parlait d'elle - puis offrit poliment l'animal à fourrure à la dragonne. Celle-ci ne pouvait pas refuser, mais elle remarqua qu'il avait saisi le lapin dans sa gueule de telle sorte qu'elle ne pût pas le prendre sans frôler son museau. Cela la fit hésiter, sentiment qui était clairement visible par Nidhögg (elle crut au passage que ça le faisait sourire).
Elle regarda le dragon vert d'un oeil interrogatif, puis, mise en appétit par le lapin, finit par céder et empoigna la proie entre ses crocs. Le contact avec les écailles vertes fut bref, car Dragora retira immédiatement la dépouille des mâchoires de Nidhögg. Mais il y avait tout de même eu contact et la dragonne préféra ne pas observer la réaction du mâle.

Après s'être retournée, elle fit trois pas et s'assit, dos à son congénère, pour commencer à disséquer son "cadeau". Lorsque le repas fut fini, elle s'allongea sur l'herbe, qui était, elle venait de le remarquer, d'une couleur tout à fait compatible avec celle de Nidhögg.

Il la tenait. Une part de lui lui murmurait qu'il pourrait bientôt obtenir ce qu'il voulait, à condition de déployer les efforts qu'il fallait. Les mots répétés, la fascination qui semblait habiter ce corps blanc, ses hésitations... Tout cela lui donnait de pousser encore plus le jeu. Le vent qui un instant plutôt avait fait preuve d'une grande violence c'était changé en une brise douce, caressante. Il ne fallait pas qu'elle s'envole à cause de lui. Elle était si frêle, presque fragile alors que son apparence draconnique montrait le contraire, au premiers abord.Une douce porcelaine étincelante, qui vacillait face au vent et que le dragon vert aurait put briser sans problème. mais brutaliser était simple, et cela aurait été dommage de briser telle œuvre vivante, remarquable de par sa finesse.

Tenant délicatement la carcasse encore chaude entre ses crocs, il attendit, patient, qu'elle se rapproche. Piégée, elle était piégée, et il n'avait qu'à attendre pour que contact il y ait. Elle s'était figée quelques instant auparavant, alors que leurs museaux se touchait presque. Il crut, un instant, qu'elle n'aurait pas le courage de saisir l'animal. Il l'encourage en haussant un sourcil à se saisir du lièvre, adoucissant son regard autant qu'il le pouvait. Elle allait reculer, c'était presque certain. Mais elle le contredit, ne cherchant même pas de parole pour tenter une autre approche. On aurait put croire qu'elle s'était approchée d'un feu ardant lorsqu'elle avait touché Nidhögg, prenant d'un mouvement brusque la dépouille. Il n'ouvrit largement ses mâchoires, ne cherchant pas à retenir le lapin. C'était un cadeau, après tout.
La vitesse avec laquelle elle se tourna en s'éloignant lui prouva qu'elle devait ressentir une certaine gêne. Cela ne fit qu'accentuer son sourire, et il se passa la langue sur les babines tant qu'elle ne pouvait pas le voir. Il s'assit, entourant ses pattes avec sa queue, l'observant faire avec intérêt. Il aurait juré avoir devant lui un petit animal effarouché, qui n'allait pas fuir, certes, mais qui ne se laisserait pas faire non plus, cherchant à cacher des choses tout à fait commune. Il attendit patiemment, gribouillant dans la terre d'une griffes distraite. Heureusement que le lièvre était une proie de petite taille. Une attente plus longue l'aurait lassé.

Semblant l'oublier, elle s'allongea dans l'herbe pour le plus grand bonheur du dragon vert. Il se releva en douceur, sans bruit, puis, d'une démarche féline, fit disparaitre la distance qu'elle avait prise pour son repas. Il garda la tête basse, et, tentant de faire le moins d'ombre possible à Dragora, il tourna autours du corps blanc pour se placer dans son dos, inspectant le tout avec attention détaillant chacune des écailles soignées. Reprenant son sourire en coin, il rapprocha sa tête de celle de Dragora. Allongée; comme ça, alors qu'il était debout et aussi prêt d'elle, elle était clairement désavantagée. Et ce minuscule avantage confirmait sa supériorité en cet instant.

"- Il est dommage de souiller un tel éclat de sang et de poussière." Sa langue jaillit, débarrassant la commissure des lèvres de la Dragonne d'une trace de sang et de terre. "- Il est dommage... de savoir que la beauté même puisse être utilisé en combat, risquant d'altérer ce qui est parfait. Les célestes prenne-t-il réellement le risque de perdre la pureté elle même ? Même si la guerre ne sied pas à votre clan, nous ne pouvons que constater que vous vous préparez à la faire. Et même si cela n'est que dans le cas ou, je trouve ça dommage."

Il baissa son museau, le laissant frôler un instant la gorge avant de remonter vers l'oreille, poussant la proximité par jeu.

"- Vous semblez si frêle... Quel rang vous as-t-on confié pour préserver telle merveille ?" Murmura-t-il.

Le bruit léger des pas de Nidhögg dans l'herbe se fit entendre par Dragora, mais elle ne bougea pas pour le regarder. Elle l'entendit la contourner pour se placer dans son dos. Là, toujours un peu méfiante, elle préféra jeter un oeil vers lui, pour vérifier qu'il n'allait pas se jeter sur elle ou quelque chose comme ça ; il était après tout dans une position avantageuse de prédateur, et elle plutôt basse, dans le rôle de la proie. Elle se dit qu'elle serait probablement assez forte et résistante pour éviter de finir sous les crocs de son congénère, mais en revoyant plus précisément la carrure de celui-ci, elle se mit simplement à espérer qu'une attaque n'arriverait pas.
Elle eut envie de se lever pour éviter ça mais en fut empêchée à cause du museau vert qui venait d'apparaître en gros plan dans son champ de vision. Le souffle du dragon glissa sur la peau de Dragora, et sa voix, plus calme et profonde encore que les instants d'avant, l'immobilisa en attendant les évènements qui suivraient. La langue du mâle sortit de sa bouche et caressa les lèvres de la dragonne pour en retirer les saletés. Le contact chaud et humide avec le dragon vert secoua la Dragonne du Ciel dans un léger frisson, alors que le grand mâle reprenait sa tirade, posément.
Dragora leva un peu le museau lorsqu'il mentionna la guerre. Elle voulut répliquer que le Clan du Ciel ne ferait jamais la guerre, mais son esprit lui souffla que ce mâle-là ne ferait rien de ces paroles. Et qu'il n'avait, dans un certain sens, pas tort. Elle dut laisser retomber sa tête sur l'herbe, respirant calmement, le regard furetant sur le museau de son congénère. Celui-ci se baissa et frôla la peau de la dragonne blanche, la caressant presque, de la gorge jusqu'à l'oreille ; provoquant chez elle une sensation presque... agréable.

"- Vous semblez si frêle... Quel rang vous a-t-on confié pour préserver telle merveille ?" susurra-t-il dans son oreille.

Il avait tout l'air d'un mâle protecteur et semblait tombé sous le charme de la dragonne. Ou bien il jouait très bien la comédie. Ce qu'il voulait, en tout cas, n'était plus un secret pour Dragora. Elle remua les pattes, se recroquevilla sur elle-même puis se leva de son lit d'herbe ; elle recula légèrement pour s'éloigner de quelques pas de ce mâle solitaire. Elle ne savait que penser, cette situation ne lui était jamais arrivée auparavant. Et c'était très embarrassant.

"Je... je suis guérisseuse," mentit-elle.

En réalité ce n'était pas vraiment un mensonge puisqu'elle avait déjà joué ce rôle dans le passé. Elle se demanda quelle serait la réaction de Nidhögg si elle lui disait qu'elle était chef du Clan du Ciel.
Ils étaient à présent face à face, tous deux debout sur leurs pattes, séparés par un carré d'herbe. Elle ne pouvait pas envisager d'avoir une quelconque relation avec ce dragon. Le clan n'aurait en tout cas jamais accepté, et même si elle ne se sentait qu'une responsabilité minime, elle savait que son honneur était en jeu.

Elle compris pourquoi Nidhögg avait choisi, lui et ses parents, d'être solitaires. La pression du clan absente, ils étaient libres, comme l'air...

Le coeur de Dragora battait fort. Ce mâle était tout à la fois attirant et repoussant. Si elle pouvait juste passer encore quelques temps avec lui sans pour autant aller plus loin dans les relations, elle serait contente. Et si personne n'en saurait rien, son honneur serait sauf. Elle décida une approche.

"Nidhögg, je crois avoir deviné ce qui t'anime, mais je voudrais te prévenir tout de suite que je ne suis pas facile."

Cela n'eut pas l'air de le gêner, au contraire. Bon. Elle eut une grande inspiration et continua :

"Sache que tout ce que tu pourras avoir de moi, sera, au mieux, quelques temps côte à côte sous le soleil."

Mais que racontait-elle donc ? Elle regretta bien vite ses paroles, mais il était un peu tard. La réaction du mâle était à présent tout ce qui comptait.

Il apprécia les frissons, se délectant des frémissements, signes infimes qui voulait dire tant. Elle ne lui fit pas la morale sur la guerre, et cela était bien vu. Les dragons étaient des créatures massives, armée de crocs, de griffes acérée, de pics et souvent d'une queue capable de blessée, en fouettant ou terminée par d'autres protubérance osseuse capable de trancher, piquer, broyer. Et on voulait lui faire croire qu'ils étaient fait pour vivre en bande dans une harmonie totale, en utilisant cet arsenal juste pour tuer des proies ? Les dragons adultes n'avaient pas de prédateur, tout juste des créatures tout juste capables de rivaliser avec eux.
Quoi qu'en dise les célestes, les dragons étaient fait pour se battre entre eux, pour défendre sa tanière, sa femelle, parfois ses petits, et surtout pour défendre sa fierté.

Il ne chercha pas à la retenir. quelque chose lui disait que c'était bon, que ça allait. Il redressa même la tête pour qu'elle puisse s'éloigner sans être gênée. Il se façonna un sourire gentil, tandis qu'elle lui révélée être guérisseuse avec une certaine hésitation. vraiment ? Guérisseuse ? Cela pouvait être utile, tout comme elle pouvait lui mentir. mais ce n'était pas grave pour l'instant, l'hésitation qu'il avait perçu dans les paroles étant bien plus important à l'instant.
Il ne cherche pas à la rejoindre, restant la ou il était, se redressant pour récupérer son port altier. Son regard s'était adoucit au possible, tandis qu'il l'écoutait.
Il se retint de trop sourire, alors qu'il savait qu'il avait gagné. Elle n'avait pas l'intention de se laisser faire tout de suite, non, mais dans quelques temps, sans doute, elle lui mangerait dans la patte. Si elle savait vraiment ce qui l'animait, il n'était pas certain que sa réaction fut la même. Et il trouvait même charmant cette précision dans ses paroles. Tant qu'elle pensait mener la danse, ça lui allait.
Elle serait la danseuse, et lui le marionnettiste.

"- Je vois."

Il prit le temps de s'asseoir, enroulant sagement sa queue contre ses pattes. Il la regarda un instant, et lui fit un sourire. Il ne savait pas pourquoi elle se protégeait ainsi. Un membre inférieur d'un clan n'avait que rarement autant de retenue. Même si son rôle était vital, fricoter avec un solitaire ne devait pas être interdit. A moins que le solitaire en question soit fou.
Il eut une petite moue amusée. Ainsi, sans doute que son nom lui parlait. Intéressant, très intéressant. Il se demandait s'il pourrait aller plus loin avec cette petite.

"- Ce n'est pas grave." Il souffla par les naseaux avec douceur. "- Il est des choses que l'on peut apprécier malgré leurs raretés et leurs brièvetés. Je saurais me contenter de ce que l'on m'offre, et l'apprécier à sa juste valeur."

Il baissa légèrement l'encolure pour appuyer ses paroles, observant les effets de sa finesse et de son élégance sur Dragora.

*Ce mâle est sûr de lui,* pensa Dragora en son for intérieur. *Il est certain qu'il aura quelque chose qu'il cherche depuis le début. Raison de plus pour nous méfier, cela signifie qu'il fera tout pour l'avoir.* Elle observa Nidhögg pendant quelques instants. Un petit sourire s'esquissa sur le visage de la dragonne, mais son congénère n'était pas en mesure de savoir pourquoi. *Eh bien, je suis curieuse de savoir ce qu'il ferait si je faisais en sorte qu'il doive patienter, patienter très longtemps avant de l'avoir.*

Dragora fit un pas sur le côté, et changea son regard de place. Elle jeta encore un très bref oeil vers le grand mâle qui restait, impassible, sur sa place. Elle se demanda un instant si elle savait réellement quelles étaient ses véritables intentions. Car si par hasard elle se trompait, elle risquait de lui donner ce qu'il attendait bien trop tôt et sans même s'en rendre compte.

Elle s'avança vers le bord du plateau, qui descendait en une falaise abrupte vers la vallée en contrebas. Elle prit une profonde inspiration, et se mit à écouter le chant du vent, comme si elle avait oublié le mâle derrière elle, qui s'était assis et avait répondu à ses paroles. Apparemment, il se contenterai de ce qu'il aurait, mais de ça Dragora n'était pas sûre.

Elle se retourna vers lui, le visage neutre, puis son regard se changea en une expression de curiosité, où l'un de ses sourcils monta au dessus de l'oeil. Elle s'assit à son tour sur l'herbe, toujours dos au mâle.

"Nidhögg, voilà quelques temps maintenant que tu m'intrigues. Me diras-tu clairement et nettement ce que tu cherches, ou laisseras-tu simplement faire les choses ?"

Elle doutait qu'il répondît de manière à la satisfaire, mais bon, ce n'était pas une question inutile.

Il ne bougea pas d'un poil, se contentant d'observer la dragonne bouger. Il avait vu un sourire, sans pouvoir définir ce qu'il voulait dire. Le dragon à la cicatrice ne souriait plus, et, maintenant qu'elle lui tournait le dos, une étincelle sauvage brillait dans son regard. Il y avait des choses, qui, sans raison apparente, attirait les convoitises. Bien sur, il y avait sans doute dragonne aux écailles aussi blanche que la neige et dont l'esprit pouvait être supérieur, ou alors les qualités physiques, si ce n'est les deux. Mais cela ne l'intéressait pas, et, quoi qu'on lui présente, rien ne pourrait lui faire changer d'avis.
En cet instant, il voulait posséder ce qu'il avait devant lui, de la tête à la queue, tout. Et il était certain qu'il n'abandonnerait pas, et se montrerait aussi patient que nécessaire. Dragora faisait partie de ces choses étrange, étonnante et assez pure aux yeux du dragon pour qu'il s'y consacre.

Elle semblait songeuse, et le dragon appréciait le silence de cet instant. Peut être qu'elle s’interrogeait sur ses paroles, sur ses motivations, sur son nom même. Oh, que cela lui était égal. Qu'elle réfléchisse et prenne son temps n'était pas un mal, au contraire. Il n'appréciait pas les petites écervelées et celles qui agissait trop instinctivement.
Il se reprit lorsqu'elle tourna la tête vers, et il se permit un sourire.

"- Très chère Dragora, vous ne comprendriez pas, tout comme je ne comprend pas. C'est, tout comme ma vie en solitaire, quelque chose de lié au hasard et à mes sentiments. Je n'attend rien de toi, je ne fais qu'exprimer certains désirs, fut-ce trop demander ou non. J'attend que cela se fasse, quoi que ce soit, sans chercher à précipiter les choses."

Il se releva, s'avança jusqu'à se retrouver à côté d'elle, observant à son tour les plaines qui s'étendait plus bas. Il prit une grande bouffée d'air, et reprit la parole, sans la regarder, calme.

"- Et si, en cet instant, et ce peu après notre rencontre, je me comporte ainsi, c'est que c'est tout ce que vous m'inspirez, et rien d'autres."

Il s'allongea, gardant quand même l'encolure suffisamment haute pour observer le monde autours de lui, dans la peau d'un doux rêveur qui vivait simplement.

"- Si quoique ce soit que j'ai fait ou put faire vous a déplut, j'en suis navré." Fit-il après un silence.

L'herbe aux pieds de la dragonne fit une révérence sous une légère brise provenant de la vallée. Dragora observait les arbres qui se trouvaient sur la montagne d'en face, à quelques kilomètres de là. Des pas se firent entendre, et elle se tourna vers Nidhögg pour le voir s'approcher d'elle et s'asseoir à ses côté. Comme elle l'avait deviné, sa réponse ne fut pas très convaincante.

"Je vois que je t'inspire bien des choses," murmura la dragonne.

Ses sentiments. Il prétendait que tous ses faits et gestes dépendaient simplement de ses sentiments, et que c'était donc cela-même qui l'avait poussé à faire la cour à Dragora. La dragonne resta impassible, comme elle l'avait si souvent fait par le passé, face à des mâles plus ou moins intéressés. Mais ceux-ci abandonnaient généralement assez vite la partie, contrairement au grand dragon vert qu'elle avait à côté d'elle. Celui-là, elle se disait, ne céderait pas. Du moins, pas avant un certain niveau, qui risque fort de se trouver bien loin de l'actuel.

Dragora observa son congénère s'allonger dans l'herbe. Elle continua à le regarder, songeuse. Il s'excusait d'avance pour avoir peut-être déplu à la dragonne dans un de ses faits. Elle ne lui sourit pas, ne lui fit aucun clin d'oeil. Elle ne savait toujours pas que penser de ce solitaire.

Elle s'allongea à son tour, et se mit dans la tête de ne pas bouger si jamais le mâle se mettait à lui frôler la peau du museau. Elle décida de vouloir savoir jusqu'où il pouvait réellement aller sans qu'elle ne réagît.
Bien sûr, au plus profond d'elle même, elle savait qu'elle était incapable de vraiment rester immobile pendant plus d'une minute si cette situation devait arriver.

"Pour le moment, rien que tu aies pu faire ne m'a dérangé."

Il avait soudainement l'impression que Dragora était plus distante, prenant son temps avant de répondre, des réponses parfois évasive, un brin cynique même. Le jeu semblait avoir perdu son côté innocent, et malgré la terre qui couvrait encore par endroit le museau de la dragonne, on aurait put penser qu'il ne l'avait jamais surpris le nez dans la poussière.
Fini la dragonne timide, fini les petites moues amusante qui la rendait si mignonne. A la place, il découvrait l'adulte, qui réfléchissait et qui ne croyait pas ce qu'il lui disait. Ou du moins, qui n'était pas satisfaite des réponses données par le dragon vert.
Elle lui résistait, tentait de réfréner la passion qui animait Nidhögg. Elle pouvait toujours essayer d'échapper à sa convoitise, cependant, plus elle tentait de le repousser, plus il avait envie de s'accrocher. Bien qu'il regrettait la créature mignonne à croquer qu'il avait découvert auparavant, le côté chasseresse n'était pas pour lui déplaire.
Elle n'avait fait aucune référence à l'une de ses dernières actions. Peut être ignorait-elle vraiment qui était Nidhögg, cependant, elle était trop sur la défensive pour qu'il néglige ce détail.

Il prit le temps de réfléchir, profitant du silence pour laisser une bise chaude couler entre eux, leurs rapportant milles et une odeurs, mille et une saveur qu'il goutât brièvement, dardant une langue curieuse, juste un instant.
Puis, lorsqu'il décida qu'il était temps de reprendre sa cour, Il prit le temps d'aplanir l'herbe d'une patte, lissant les brins d'herbe avec un semblant d'attention.

"- Si vous saviez... Je pourrais faire une liste de tous ces lieux, qui, lorsqu'on s'y arrête un instant, semble vous captiver a un point ou vous ne voyez pas le temps passer. Il y en a des si beaux, que vous pouvez rester à les contempler durant des heures et des heures. D'autres sont si calme, si silencieux, si paisible qu'y rester quelques instant vous permet d'avoir l'impression d'être retourné dans le premier monde, sous la sécurité de coquille, avec la possibilité d'être en paix avec soit même." Il continuait à lisser l'herbe, semblant y chercher quelque chose. "- Il y a des endroits si vif, si vivant, qu'on y oublie les malheurs du monde. Certains permette de récupérer de ses blessures, physique ou mental, plus rapidement que nulle par ailleurs, tant se dégage des énergies positive."

Il prit une courte pose, sélectionnant parmi les brins d'herbe une minuscule fleure blanche qu'il coupa proprement, l'élevant comme pour mieux le voir.

"- Mais, voyez vous, tous ces endroits réunit ne pourraient dégager une impression assez forte, assez vive et paisible, que certains trésors en ce monde. Même leurs unicités ne permet pas d'égaler quelque chose d’accompli, si pur qu'il n'est pas possible de trouver quelque chose capable de le copier, ni même d'arriver à son niveau." Il jeta un coup d'oeil vers Dragora, tenant toujours sa fleure entre deux griffes. "- Et ces joyaux la sont si rare, qu'il n'en existe que très peu. Leur perfection ne saute pas aux yeux de tous le monde, car certaines personnes sont incapable de réalisé la beauté d'une chose qu'ils ont toujours constaté. Mais un inconnu, qui arrive soudainement, lui, est capable, parmi tous les brins d'herbes, la fleur qui montre timidement sa beauté sans s'en rendre compte elle même. Et en cet instant, et en cet endroit, je suis étonnée d'y rencontrer une créature qui dépasse largement l'imagination. Il m'étonnerais trouver telle pureté ailleurs, et ce même dans le monde, et s'il m'est offert la possibilité de contempler, alors je ne peux que remercier la providence pour un tel honneur."

Il ouvrit la patte et laissa le végétal glisser jusque dans a paume ouverte, feignant l'observer avec attention, alors qu'en réalité, seule les réactions de Dragora comptait.

"- Alors, pardonnez moi si je peux me montrer aussi bavard, mais il est difficile de trouver des mots capable de cerner ce que je perçois en cet instant. Je suis, certes, un dragon que peu peuvent se vanter d'avoir cerné, ou même réellement connu. Je n'ai rien de la perfection que l'on pourrait attendre, d'un extrême à l'autre. Il serait difficile, même, de tenter de vous expliquer qui je suis ou ce que veut car cela, dans tous les cas, sonnerait faux pour vous et moi. Je n'ai nulle attente envers vous, juste des espoirs."

Il jeta un dernier coup d'oeil vers Dragora, avant d'ouvrir son aile avec délicatesse, essayant de ne pas gêner la dragonne en faisant cela. Il couvrit alors le corps blanc,approchant l'aile le plus possible de Dragora sans la toucher, et il approcha sa tête de celle de Dragora, toujours sans la toucher. Et alors qu'il se tenait si prêt de la joue de Dragora à la frôler, le dragon se permit un léger sourire, à la fois entendu et charmeur, il remonta vers l'oreille pour lui susurrer, d'une voix langoureuse, le reste de sa tirade comme s'il s'agissait d'un secret.

"- Car puis-je me permettre d'espérer, tel le pauvre fou que je suis ? Puis-je prétendre approcher une créature aussi délicate dans sa perfection ?"

Le vent tourbillonnait dans la vallée et faisait bruire le feuillage des arbres, qui dansaient comme sous le son d'une musique douce et mélancolique. Les notes de cette mélodie ne parvenaient qu'en partie aux oreilles de la dragonne blanche, mais elle en devinait aisément le reste sans encombres.

Nidhögg ne parla pas tout de suite, laissant le temps à Dragora de réfléchir à son sujet. Elle ne pouvait nier qu'il était doux, lui aussi ; même attentionné. Cela ne l'aurait pas étonnée s'il était compréhensif. Et au point où ils en étaient, peut-être que lui révéler son réel statut n'allait rien y changer.
La dragonne remarqua que le dragon vert humait et goûtait l'air du bout de la langue. Elle sourit à cette vision. C'était mignon, au fond. On aurait dit un jeune dragonnet venant de sortir de son oeuf et palpant l'air pour la première fois de sa vie, avec émerveillement.

Puis le mâle solitaire commença à parler. Il parla d'une voix si affectueuse que Dragora aurait probablement pu s'endormir en l'écoutant. Mais ce qu'il disait l'intéressait. Tout d'abord, il ne sembla pas parler d'elle, la déguisant sous une métaphore comme il le faisait auparavant. Non, il parlait des différents lieux que l'on pouvait trouver - la dragonne ignorait s'il les avait vraiment visités ou non - tout en lissant les brins d'herbe avec ses griffes. A un moment donné, il coupa délicatement une petite fleur que Dragora crut immédiatement destinée à elle. Mais la pâquerette ne vint pas à elle tout de suite. Nidhögg continuait à parler, les yeux intéressés de la dragonne posés sur lui. Il mentionna des termes tels que "trésors" et "joyaux", qui rappelèrent à la Dragonne du Ciel les premières paroles qu'il avaient dites pour parler d'elle.

Lorsqu'il ouvrit la patte pour observer attentivement la fleur blanche, Dragora ne put s'empêcher de se redresser de sa position couchée puis s'asseoir, le regard cette fois tourné vers le petit végétal de neige posé sur un plateau écailleux de couleur forêt. Elle n'osait pas interrompre le dragon vert dans sa tirade, qui était tout-à-fait touchante. C'était sûr ; ce mâle avait déjà eu des expériences pareilles par le passé, le formant ainsi à devenir un excellent orateur. Dragora pensa quelques instants qu'il avait peut-être dit les mêmes paroles à d'autres dragonnes, mais elle préféra rejeter cette image - bien que, si elle l'ignorait totalement, elle risquait d'être surprise un peu plus tard.

Le grand mâle ouvrit son aile et en couvrit la dragonne comme pour la protéger d'une quelconque pluie ou d'un sort maléfique. Elle crut qu'il allait la ramener à lui mais ce ne fut pas le cas, il se contentait de la couvrir sans même la toucher. Il approcha alors son museau de sa propre figure, et tandis qu'il lui frôlait de nouveau la peau de l'oreille, elle retrouva le frisson particulier qu'elle avait éprouvé quelques instants auparavant.

"Nidhögg," souffla-t-elle d'une voix un peu nerveuse.

Dragora ouvrit ses propres ailes, mais pour écarter celle du dragon vert, et la pousser à se replier vers son corps d'origine, pour ne plus la couvrir. Puis la dragonne replia les siennes. Elle fit un pas sur le côté, s'éloigna un peu du mâle, puis s'assit de nouveau, l'oeil intrigué.

"Ta voix est une des plus belles voix que je n'aie jamais entendues. Ton discours me touche au plus profond de moi-même, et me fait frissonner d'un tremblement que je ne connaissais pas. Quel est ton secret pour si bien charmer une dragonne qui n'avait jamais connu les mâles au-delà d'un simple côtoiement quotidien ? Est-ce là encore, une simple source d'inspiration dont je suis l'origine qui te permet de dire d'aussi jolies paroles ?"

Elle marqua une légère pause, puis, se penchant vers lui, les yeux plissés de malice et un léger sourire ironique sur la lèvre, elle demanda :

"Ou bien sont-ce des vers que tu as appris par coeur et que tu as récités à toutes les dragonnes rencontrées durant tes vagabondages ?"

Elle se redressa, l'air orgueilleuse, le même sourire et le même regard sur le visage, attendant patiemment les réactions du mâle.

Toutes les petites réactions de Dragora l'avait fait sourire intérieurement. C'était exactement ça, la dragonne se prêtant sans le savoir au jeu. C'était parfait, et elle alla même jusqu'à prononcer son nom d'une voix qu'il ne lui connaissait pas encore. La fleure trônait toujours dans sa paume, et il hésita un peu. Il ne savait pas si la donner serait utile, et si elle comprendrais le geste - certaines dragonnes n'avaient aucun sens de la poésie et de la finesse. Quant on offrait quelque chose qui n'était ni précieux, ni mangeable, il n'était pas certain d'être compris. Mais la dragonne blanche semblait être plus compréhensive que la plupart de leurs congénères, plus réceptive aux choses abstraites, sa perception des choses sans doute plus fine au point qu'il pouvait se risquer à lui offrir le végétal.
De toute façon, le jeter négligemment n'aurait pas eu de bon effet non plus, surtout après lui avoir accordé autant "d'attention".
Il replia son aile docilement, restant couché alors qu'elle s'éloignait, ne cherchant pas, à nouveau, à la retenir. Il ne fallait pas la forcer, au risque de la voir se braquer et s'éloigner, chose difficilement récupérable. Il ne voulait pas avoir l'image d'un dragon lourd et collant. Bien qu'il fut une brute épaisse la plupart du temps, il restait fin dans sa façon de prendre les choses, usant de sa subtilité pour faire sombrer les autres, ou dans un combat, ou dans leurs ignorances. Il resta cependant couché, cette fois, peu désireux de la poursuivre. Ils pouvaient parcourir tous les plateaux ainsi, et il n'en avait pas envie. Ils étaient très bien ici, et elle reviendrait si elle le voulait. Dans le cas contraire, ce serait pour une autre fois, il était patient.

Il ne répondit pas tout de suite, la laissant enchainer toute seule sur des mots qu'il avait presque prévu, au moins dans le sens. Il lui sourit doucement, attendit la suite, certain qu'il ne pourrait pas s'attendre à un succès aussi total. Elle lui avait bien fait savoir qu'elle ne se laisserait pas avoir, et sa réaction de fuite voulait dire deux choses. Qu'elle était aussi touchée par les mots qu'elle le lui faisait savoir, dans toute son honnêtetés; et que de ce fait, elle se méfiait deux fois plus de lui, ce qui était tout à fait normal.
Et finalement, les craintes de la dragonne lui parvinrent, accompagné de ce qu'il défini comme des réactions de défense après les aveux qu'elles venaient de faire. De l'ironie, de l'orgueil, les yeux luisant d'un éclat qu'il eut quelques peu du mal à définir. De l'espoir ? Du défit ? Un peu des deux ? Peut être essayait-elle de lui montrer qu'elle l'avait percé à jour. Mais il refusait cette possibilité. Il était plus fin que ça, elle devait pourtant l'avoir compris. Il n'était pas juste un beau parleur, il était un créateur, presque un artiste.

"- Je ne pourrais nier avoir rencontrer d'autres dragonnes durant mes voyages." Fit-il avec un léger sourire amusé. "- Ce serait mentir, bien évidemment. Cependant, je suis la. "

Cela voulait dire pas mal de chose. S'il avait trouvé compagne, pourquoi serait-il ici et pas avec elle ? Pourquoi perdrait-il même son temps à voyager, au lieu d'intégrer le clan de celle qu'il aurait finalement choisit ?

"- Bien sur, je pourrais être de ces dragons qui enchaine les conquêtes et considère les dragonnes comme des proies, chose consommable que l'on utilise qu'une seule fois. Cependant, pourquoi perdre mon temps ? D'autres seraient plus facile. Parmi les solitaires, et parfois dans les clans, nous avons tous notre lot de dragonne qui change de compagnon sans soucis. Serais-je considérais comme tel que vous m'en verrais blessé. Je n'ai aucun goût pour les choses faciles qui n'ont aucun considérations pour vous."

Il avait adopté un ton faussement blessé, mais, laissant ses paroles flotter quelques instants, il reprit en radoucissant son ton, penchant légèrement la tête. Il tendit la paume, offrant la pâquerette par ce geste simple.

"- Je n'ai goût que pour ce qui me paraît parfait. Et qu'est-ce qu'un texte que l'on pourrais offrir à n'importe quelles dragonnes qui passe par la ? Ce ne serait que parole en l'air, fade et sans intérêt. Je ne suis pas ce genre de dragon, bien que je n'ai que ma parole pour le certifier. Je suis fort désolé de ne pouvoir vous rassurer plus que cela, mais sachez que mes mots ne vont qu'à une seule personne, qui, par sa simple présence m'inspire, me soufflant par ses gestes toutes sortes de choses. Et puis ces paroles s'envolent, destinée à une unique personne, et ne seront plus entendu par une autre."

Il tourna ensuite la tête, tournant la tête vers la forêt.

"- Il n'y aura pas d'autre témoin que le vent, je puis vous l'assurez. Et le vent le gardera pour lui, car nul n'est capable de le comprendre."

Lui peut être, mais cela n'avait aucune importance.

Face à la reproche piégée, Nidhögg n'eut pas la réaction que Dragora attendait de lui. Au lieu de se sentir coupable, de baisser le regard ou elle ne savait trop quoi, il se frustra - ou ne faisait-il que semblant ? elle n'en était pas sûre - et répondit, souriant et avec volonté, qu'il n'était pas comme ces mâles à conquêtes, et que lui ne cherchait pas les choses faciles mais celles qui, au contraire, valait la peine de s'y attarder ; les choses qui auraient du goût.

Dragora montra discrètement sa désolation face à ces paroles. Décidément, c'était un poète né, fin et émouvant. Il savait prendre son temps, et c'était probablement ses anciennes rencontres qui lui avaient permis de se forger une telle connaissance des dragonnes, lui permettant de charmer sans faux pas. La Dragonne du Ciel était, en tout cas, impressionnée.
Elle se rendit rapidement compte de son goût particulier des choses qui valent la peine de se pencher dessus. Il sembla hésiter face à la fleur blanche qu'il tenait toujours. Dragora imagina qu'il se demandait quoi en faire ; mais elle ne fut pas surprise lorsque, reprenant la parole avec douceur, il tendit délicatement le végétal à la dragonne, qui offrit un angélique sourire en échange. C'était le premier vrai cadeau qu'elle lui faisait volontairement, pensait-elle.

Il n'y aurait pas d'autres témoins que le vent, assura le dragon vert en observant la forêt. Dragora ne commenta pas cette affirmation tout de suite, car son attention était prise par la pâquerette qu'elle tenait entre deux doigts, et qui se balançait au gré de la brise. La dragonne pencha délicatement son visage vers la fleur pour la humer et en découvrir la saveur olfactive.
Nidhögg semblait sincère dans ses paroles. La Dragonne du Ciel l'observa. Il n'avait pas terminé de la surprendre, et elle n'avait pas fini de faire de même avec lui, elle le savait. Maintenant qu'elle savait la réelle valeur des dires du mâle, elle décida de dévoiler une des choses qu'elle lui avait cachées depuis le départ.
Cette entreprise avait un risque mais Dragora ignorait de quelle ampleur il était. Elle se redressa, prit une grande inspiration, puis se leva et s'approcha de lui tout en veillant à ne pas abîmer la pâquerette en la plantant entre ses mâchoires. Elle s'assit à ses côtés et reprit la fleur entre ses doigts. Enfin elle murmura :

"J'ignore si tu sais réellement... qui je suis. Mais tant que je ne l'ai pas dit, je le prends comme quelque chose à dire. Je suis, certes, du Clan du Ciel... j'ai été un temps guérisseuse au sein de cette caste, mais maintenant, mon rôle n'est plus tout-à-fait le même."

Ses doigts se frottaient doucement entre eux pour faire tourner la fleur sur elle-même. Dragora planta son regard dans celui de Nidhögg, puis dressa le cou, prenant de nouveau une posture fière, mais toujours élégante, assortie avec son rang.

"Voilà quelques années que le Clan du Ciel a perdu son chef, qui avait péri sous la lâcheté guerrière de membres d'un autre clan. A présent qu'il n'est plus ici, sa place, a été reprise. Et celui qui l'a remplacé, choisi par les Dragons, c'est moi."

Nidhögg ignorait s'il avait fait mouche. La dragonne semblait en train de peser le pour et le contre, sa raison en train de balancer entre deux options, comme prête à tomber et à se satisfaire de celle qui serait choisit. Il attendit, retenant malgré lui son souffle quelques secondes, écoutant le silence que seul le vent troublait. Si l'expression désolée qu'elle aborda pouvait dire une chose et son contraire, le sourire qu'elle lui avait fait lorsqu'il lui avait donné la pâquerette valait son pesant d'or. Finalement, elle s'installa prêt de lui, et il ne bougea pas d'un iota, fidèle à l'ordre qu'il s'était donné plus tôt. Néanmoins, il avait repris une respiration normale, plus posée.

Les paroles de la dragonne lui firent hausser un sourcil. Alors il s'agissait la de la chef des célestes. Il était, bien évidemment, étonnée, mais il garda une expression indéchiffrable, réfléchissant à cette nouvelle qui le sortait de son ordinaire. Il inspecta calmement la dragonne d'un œil nouveau. Il était tombée sur un plus gros morceau qu'il ne l'avait crut au départ. Et, malgré les folies du dragon vert, car elle avait forcément entendue parler du fou, elle avait prit le temps de lui avouer qui elle était. La petite avait du courage, et semblait se montrer entièrement comme elle l'était, comme elle devait l'être.Sa posture fière faisait échos à celle du dragon vert, qui, malgré ses origines plutôt modeste, semblait être le roi du monde. Il l'était, de son monde, et avait toujours vaincu. Comme il serait facile de semer le trouble en plantant ses crocs dans la gorge de nacre qu'il avait devant lui. Sans doute aurait-il était tenté de le faire, bien plus tôt, s'il avait su à qui il avait affaire. Par goût, par jeu.

Mais désormais, la situation était tout autre. Il avait trop goûté à l'esprit de Dragora pour terminer sur une barbarie pure. Il pencha légèrement la tête en une révérence fière. Son regard ne quittait pas celui de Dragora, brillant d'une lueur que seule la fierté lui dictait. Au moins avait-il pour lui la sincérité de l'ignorance. Elle ne pouvait pas dire qu'il l'avait charmé pour une histoire de rang, puisqu'il ignorait tout d'elle jusque la. Cela expliquait aussi ses réticences et son manque de confiance. Une dragonne de son rang n'avait aucun intérêt à se retrouver avec le bas de l'échelle, un dragon solitaire que tous traitait de fou. Autant sa famille, ou du moins ce qu'il en restait, que son clan avait son mot à dire quant à ses relations. Elle était la, seule, vulnérable, face aux regards des autres, attiré par elle comme des parasites par le sang, dictant sa conduite, cherchant chacun de ses écarts pour la critiquer et la tourmenter.
Quelle vie pitoyable qui était offerte à cette dragonne dont rien n'était pardonné, tout réprouvé. Elle était bien plus jeune que lui. Avait-elle seulement approché la liberté dont il jouissait ? Pauvre chose délicate que l'on avait pousser à devenir reine. Une reine prisonnière et tourmenté,que sa féminité même jouait contre elle.
Un mâle pouvait bien avoir tous les droits, une femelle, elle, devait sans cesse faire bonne figure.

"- Vous me voyez étonné... Que dis-je, bouche bée devant telle nouvelle." Il continua sa révérence, ne se relevant que tardivement. "- Je ne m'attendais pas à cela, je me dois de l'avouer." Il lui sourit humblement. "- Cela explique bien des choses. Ainsi donc l'impossibilité de notre relation se base sur un prétexte de rang. Je comprend cela, et je m'y plierais, pour votre confort. Laissez moi donc, en ce cas, vous offrir quelques instants simple de repos, que cela ne concerne qu'un court instant sous les étoiles, sous le soleil, ou à l'un de ces endroits dont j'ai vanté les mérites auparavant. Tout ce qui vous plaira, quant il vous plaira, car je ne suis que votre humble serviteur."

Il décida de faire stopper le vent autours d'eux, les emprisonnant dans une bulle de silence, coupé du sifflement du vent et des odeurs qu'il charriait. Ne restait plus que leurs propres émotions à eux, qui ressurgissait plus simplement, stagnant dans l'air ambiant.

"- Je ne puis hélas faire mieux." Dit-il, sa voix raisonnant curieusement plus claire. "- Pour moi le rang n'importe peu, et le respect que j'ai pour vous ne concerne que mes propres sentiments, et non pas une tentative de soudoyer une quelconque hiérarchie. J'ai choisi ma vie, comme peu d'autres l'ont fait." Le vent n'emportait plus leurs paroles, et même à ses propres oreilles, elles restaient, comme gravées dans l'air. "- Laissez moi juste vous faire apercevoir mon monde." Murmura-t-il d'une voix douce, approchant doucement sa tête de celle de Dragora, les yeux baissé vers elle, ayant prit une expression de douceur extrême.

La réaction de Nidhögg face à cette nouvelle ne fut, heureusement, pas négative. Dragora ne put s'empêcher de sourire de soulagement. Elle avait tout de même eu peur que le dragon vert fît quelque chose d'autre qu'une révérence, quelque chose de plus... sauvage, peut-être. Sa fière révérence la toucha, même si la dragonne n'en avait pas l'air.
Nidhögg semblait comprendre pourquoi la Chef du clan du Ciel avait été aussi distante et hésitante quant à une relation avec un mâle solitaire. Il confirma cette impression en le disant par des paroles, en souriant de manière humble. Il acceptait de ne pas pousser trop loin l'affaire - du moins, il le dit comme tel ; mais les paroles sont si peu de choses face à ce que pense l'esprit !

Le vent s'arrêta soudainement de souffler autour d'eux. Dragora, étonnée, regarda autour d'elle, se demandant où était passé le vent. En observant le mâle solitaire, qui souriait toujours et ne semblait pas surpris du tout de cette absence de courant d'air, elle crut que c'était lui qui l'avait provoquée.

Il ne pouvait hélas faire mieux, prononça-t-il. La dragonne avait donc vu juste, même si cela semblait invraisemblable. Commandait-il donc le vent ?
Il reprit alors la parole sur un autre sujet, disant que le rang, pour lui, n'avait guère d'importance. Il s'approcha doucement d'elle, le museau tout près de celui de Dragora. Elle ne recula pas ; le regard calme, elle avait les yeux baissés vers les pattes du grand dragon vert. Il était attirant, malgré tout ce qui les opposait. Elle releva les yeux vers ceux de son congénère, puis esquissa un sourire ; enfin, elle sortit le bout de la langue et frôla le bout du museau de Nidhögg en une infime caresse, pour finir par ranger sa langue à sa place, entre ses mâchoires blanches.

Le vent, absent autour d'eux, ne l'était pas en altitude ; car on voyait les nuages passants s'amonceler au-dessus de leur tête. Une minuscule goutte de pluie se détacha du plafond céleste et tomba se poser - s'écraser, plutôt - sur le crâne de Dragora. Elle regarda le ciel puis se tourna vers Nidhögg.

"Nous ferions mieux de trouver un endroit ou nous abriter. Je sens l'orage."

Elle se releva et fit quelques pas en dépliant ses ailes. Une fine bruine commençait à s'abattre sur les montagnes. Dragora sauta dans le vide, puis remonta doucement par la force de ses grandes ailes blanches ; elle remarqua une cavité rocheuse un peu plus loin, et l'indiqua du bout de la patte à Nidhögg.

Si elle ne répondit rien, le court contact de sa langue contre son museau, lui suffisait. Il appréciait les gestes comme les sourires, pas gourmands pour un sou. Il savait apprécier ce qu'on lui donnait, et Dragora semblait avoir fait un grand pas qu'il savourait, comme s'il s'agissait d'un nectar des plus doux et des plus rares, offert à une poignée de dragon en ce monde. Il savait que cela signifier se tenir à carreau des célestes pour le moment, ne pas chercher les embrouilles plus que nécessaire. Mais il ne s'en faisait pas, il y avait assez de Clan à tourmenter pour qu'il puisse se passer des rêveurs.

Il relâcha son pouvoir, laissant le vent filer entre eux. Il ne savait pas s'il devait considérer la pluie comme un désagrément, ou comme un don du ciel... Mais il avait plutôt tendance à pencher pour la seconde option. Il se leva à son tour, observant la dragonne s'envoler en profitant de la hauteur. Il ébouriffa ses écailles un instant, observa une dernière fois avant de la suivre, se laissant planer des falaises, puis rattrapant son retard en s'offrant une poussée et un couloir d'air ascendant. Il pouvait aller plus vite que quiconque grâce à ce pouvoir qui le faisait Roi des cieux. Il méritait ce titre plus que tous les autres, maîtrisant le vol à la perfection, capable d'atteindre des hauteurs qui couvraient ses voilures de givre au risque de le voir incapable de plier les ailes, et des vitesses qui le rendait vainqueur dans toute course.
Pouvait-il lui faire partager ça ? L'ivresse d'être allé plus loin, plus vite, plus haut ? La sensation infime durant laquelle il ne savait plus ou était ciel et terre, se retrouvant un instant en suspension avant que la gravité ne le rattrape ? Il ne savait pas si elle lui ferait confiance, à lui et son pouvoir, juste assez pour se lancer aveuglement dans le dépassement de ses limites. Il secoua la tête. Pourquoi pensait-il à cela ? Cela n'avait nulle importance.

Il suivit des yeux la patte de la dragonne, qui indiquait une cavité rocheuse. Il s'y dirigea aussitôt, ignorant la légère bruine qui glissait sur ses écailles, se stockant sur ses membranes avant qu'un coup d'aile brusque ne fasse voler les gouttelettes. Il dirigea son pouvoir de manière à ce que les deux dragons utilisent le moins de force possible, comme si la route vers la caverne était toute tracée. Il se posa avec délicatesse, arrivé le premier par pur orgueil. Il s'écarta aussitôt pour laisser autant de place que possible à Dragora, ainsi que pour lui permettre de rentrer la première dans la cavité.
Le dragon vert leva la tête une dernière fois vers le ciel, observant les paresseux nuages qui s'agitaient, colorant le ciel bleu pâle de gris. Il respira l'air électrique, appréciant la sensation et l'idée que l'orage risquait d'être violent, les enfermant dans la caverne pour un moment. Même lui ne se risquait pas à voler sous l'orage, peu désireux d'être heurté par l'un des grands arcs électrique qui déchirait le ciel par moment. Il appréciait ces tombées de foudre qui illuminait le monde à des lieux à la ronde, capable de déchirer un arbre en deux tout en embrasant l'air.

"- J'espère que cela passera vite. Il ne faudrait pas priver votre clan de votre si charmante compagnie." Fit-il, souriant allègrement tandis qu'il lui tourné légèrement le dos.

Évidemment qu'il ne pensait pas ce qu'il disait. Il ne faisait ça que par attention, et non pas par altruisme. Il se tourna alors vers Dragora, mesurant son sourire pour ne pas paraître trop heureux, et observa un instant les lieux, sa queue s'agitant doucement contre la pierre.

La grotte n'était plus très loin. Dragora imagina qu'un éclair descendît du ciel à cet instant-même pour la frapper, elle, ou Nidhögg. Elle se demanda alors quelle serait sa propre réaction si le dragon vert venait à se faire électrocuter en ce moment-là. Elle supposa qu'elle en ressentirait de la peine... mais seulement de la peine ? La dragonne préféra ne pas y penser.

Une bourrasque la fit soudainement avancer plus vite. Elle pensa que les esprits de la nature étaient avec elle, puis, en voyant Nidhögg la dépasser à une vitesse fulgurante, elle se rappela le pouvoir du dragon vert, qui semblait se confirmer à cet instant. Elle sourit en voyant le grand mâle atterrir plein de fierté au bord de la cavité. Mais dès qu'il eût touché la pierre, il se mit immédiatement sur le côté pour laisser la place à Dragora d'atterrir à son aise. Effectivement la plate-forme n'était pas bien grande, et pour des créatures comme ces deux-là, avoir de grandes ailes n'était pas toujours pratique. Mais comme Nidhögg avait prit la peine de se mettre sur le côté, la dragonne n'eut pas trop de difficultés pour se poser.

D'ailleurs, pourquoi le dragon vert n'était-il pas simplement entré dans la grotte pour laisser de la place ? C'était tout aussi simple, sinon plus ! Car tenir en équilibre au bord de la plate-forme était plus risqué qu'autre chose. Mais le grand mâle avait choisi cette deuxième option. Lorsque Dragora, arrivant à sa hauteur, l'observa d'un regard interrogateur, son attitude lui fit croire qu'il ne voulait simplement pas entrer dans la cavité le premier. Par politesse, par galanterie ? Ou par peur de ce que l'on pouvait trouver à l'intérieur de cette caverne sombre ? Cette dernière idée, bien qu’invraisemblable, amusa la dragonne, la faisant sourire de malice, les yeux plissés. Elle leva le cou, et tête haute, elle entra dans la grotte, se mettant à l'abri de l'eau au dehors.

Ç'aurait été un comble si l'intérieur de la cavité avait été aussi humide que l'extérieur, mais ce ne fut pas le cas. Dragora s'attendait à rencontrer une bestiole à l'intérieur mais non. Au fond, c'était logique ; la grotte n'avait qu'une entrée et celle-ci surplombait une falaise descendante qu'aucun animal totalement terrestre n'aurait pu grimper.
Mais un animal volant, peut-être...

La dragonne blanche fit un tour sur elle-même pour inspecter vite fait les parois de la cavité et vérifier qu'elle ne se cognerai pas la tête quelque part, mais n'explora pas encore la grotte de fond en comble. Elle attendit que Nidhögg entrât à son tour. La phrase qu'il prononça sonnait faux, mais c'était probablement fait pour.
Tous deux se mirent alors à observer plus attentivement l'intérieur où ils avaient atterri. La grotte était rocheuse, quelques stalactites s'accrochaient solidement au plafond qui était à peine assez haut pour éviter que les dragons ne s'y prennent la tête. La caverne, bien que plus spacieuse qu'elle en avait l'air vu de dehors, n'était pas très profonde, et la lumière de la foudre qui commençait à tonner à l'extérieur atteignait aisément le mur du fond.

Dragora tourna le regard vers Nidhögg, puis vers le ciel.

"Je n'aime pas les orages." commenta-t-elle. "La pluie, le bruit, la dangerosité de se trouver dehors... Seule la lumière de la foudre est belle. Mais elle est si mortelle..."

Elle regarda son congénère. Son sourire éternel était indélogeable.

"Tu ne sembles pas penser la même chose."

La caverne était parfaite selon l'avis de Nidhögg. Elle était assez spacieuse pour qu'ils n'aient pas l'air de deux chatons collé l'un à l'autre, terrifié par l'orage et la pluie. Elle était suffisamment en hauteur pour éviter toute créature nuisible, même si Nidhögg aurait très bien put s'en débarrasser. Surtout, elle n'était pas extrêmement profonde, ce qui lui permettrais de se poster devant l'entrée, en observant l'orage.
Le dragon vert Balaya de sa queue la caverne, écartant toute trace de poussière. Ce n'était pas franchement utile, mais il aimait bien définir l'endroit ou il allait s'allonger. Bien que pour l'occasion, il eut dépoussiéré de quoi faire allonger deux dragons, ce qui était le but non avoué.

"- C'est vrais." Fit-il, en réponse à la dragonne. "- L'orage ne pardonne que rarement à celui qui se trouve dehors."

Il leva son propre regard vers le ciel, par réflexe, observant la masse nuageuse se gonfler, s'amasser, s'étirant dans les cieux en occultant le soleil. Il s'allongea, la tête face à l'entrée, continuant à surveiller la pluie qui commençait à tomber à grosses gouttes de manière plus drues.

"- Et pourtant." Fit-il en souriant à la dragonne, le regard étincelant. "- L'orage est maître du monde, et il investit les lieux quant il veut. Si ce n'est pas là la preuve de sa supériorité. Mais malgré tout, il reste magnifique dans sa sauvagerie, offrant un spectacle sans nul pareil. Sous l'orage, nous sommes tous les mêmes, nous avons tous la même vision des choses, peur ou émerveillement, parfois les deux."

Il s'arrêta de parler, n'ayant pas vraiment d'autres choses à dire. Certes, il pouvait faire un éloge des éclairs qui tombait, donnant l'impression d'ébranler les fondations même du monde, mais qu'importe, tout était la, bien visible, et nulle parole n'était nécessaire. Si elle avait peur, il pouvait essayer de lui faire voir la beauté. Mais dans tous les cas, il était la, prêt à rendre l'épreuve moins angoissante.

"- L'orage enlève, l'espace d'un instant, toute notion de clan, de hiérarchie, de territoire. car tout lui appartient dehors, et nul n'ose sortir." Fit-il tout de même, posant son regard adoucit sur Dragora. "- Nous sommes isolés l'espace d'un instant, sans contact avec les autres, et si dehors le tumulte raisonne, nous sommes comme retourné à l'intérieur du premier monde..."

Et pour épargner le bruit à Dragora, il fit un vide d'air au niveau de l'entrée, empêchant le bruit de raisonner dans les parois de la grotte, stoppant les ondes avant qu'elles ne leurs parvienne. Et alors ne resta plus que la lumière des éclairs.

Un énorme éclair tomba du ciel dans une pluie de lumière dure et crue. Le tonnerre qui raisonna quelques secondes plus tard fut particulièrement fracassant, et faillit faire sursauter la dragonne blanche qui attendait, un peu angoissée, allongée aux côtés de Nidhögg, que l'orage cessât. Mais celui-ci s'obstinait à continer à faire gronder les entrailles du ciel et des esprits en furie, et malgré les prières intérieures de Dragora, la pluie, à défaut de diminuer d'intensité, doublait en force et en violence. Au loin, la source d'eau qui traversait les vallées était sans doute en crue, et les arbres qui la bordaient, normalement secs, devaient à présent avoir les pieds dans l'eau.

Nidhögg fit l'éloge de l'orage en vantant sa suprématie face aux choses terrestres. La dragonne blanche ne le contredit pas. Il avait raison, les éclairs étaient les maîtres de tous. Ils surprenaient les êtres vivants dans leur sommeil et ne pardonnaient pas à ceux qui s'introduisaient sur leur territoire de chasse.
Par la suite, une barrière invisible empêcha les sons extérieurs et le vent de pénétrer dans la caverne, préservant la chaleur des deux dragons et les tympans de la femelle.

Deux petits oiseaux effrayés par le tonnerre volèrent vers la grotte où se reposaient les dragons. Les volatiles hésitèrent à entrer mais se risquèrent finalement, et filèrent au-dessus des têtes reptiliennes pour se réfugier au sec dans le fond de la caverne. Dragora les suivit du regard, songeant, et espérant que Nidhögg n'en profiterait pas pour s'en faire un apéritif. Non, elle se disait ; elle ne lui donnerait pas le droit de se repaître de pauvre petites créatures inoffensives fuyant l'orage. S'il tentait, elle le retiendrait ; et si le dragon vert observait Dragora en ce moment-même, il n'aurait aucun mal à le lire dans ses yeux.

Une étrange colonne de fumée noire les surprirent : la foudre venait de toucher un arbre quelque part dans la vallée. Des oiseaux terrorisés par la disparition soudaine de leur abri s'envolèrent de toute part, et l'un d'eux entra à nouveau dans la grotte. La dragonne de neige le suivit du regard puis sourit à son congénère :

"Qui a dit que notre abri deviendrait une volière collective ?"

Dragora se leva, et s'avança précautionneusement vers le fond de la cavité d'où on entendait partir quelques piaillements plaintifs.

"Bonjour les amis," murmura-t-elle avec une douceur sincère dans la voix. "Vous avez peur de l'orage ? Tout se passera bien, ne vous en faites pas."

Si le silence qu'il venait de créer plût à Dragora, il n'en sut rien. Peut être aurait-il du s'abstenir, et l'avoir égoïstement prêt de lui, sursautant lorsqu'un éclair un peu trop proche donnait l'impression de faire trembler les murs de la caverne dans un grand fracas. Cependant, avant même d'avoir eu le temps de profiter de cette bulle de silence, sorte d'oasis dans la tempête, des oiseaux violèrent l'intimité qu'il venait de créer. Il retroussa légèrement la lèvre, agacé. S'il avait su que ces parasites plumeux se serait incrusté, il aurait sans double doublé sa protection d'un tourbillon pour repousser les intrus.
Il les auraient bien chassé, mais un éclair dans les yeux de la dragonne lui fit comprendre qu'elle n'apprécierait pas le geste. Non mais quelle étrange dragonne ! Quelle étrange lubie ! Elle était capable de traquer un lapin jusqu'à s'en salir les pattes, puis de le déchiqueter sans aucun remord, puis de lui interdire de déloger des parasites ailés venu les importuner. Et lui, en plus, il obéissait sagement.

Le dragon vert ne bougea pas d'un pouce, et s'abstint de retrousser la lèvre lorsque de nouveau oiseau entrèrent dans la caverne. Il n'installa même pas de quoi les empêcher d'entrer. Si cela tenait occupé la dragonne et lui faisait oublier l'orage, pourquoi pas. Elle faisait ce qu'elle voulait, après tout. De toute manière, les oiseaux n'étaient pas son truc. Ces créatures étaient maigres, composé essentiellement d'os creux, et, surtout, plumeuse. Il n'y avait rien de plus désagréable que des plumes entres les crocs et collé sur la langue après un repas aussi frugal.
Il observa plutôt la colonne de fumée et ses flammes étouffées par l'orage. L'orage était au dessus d'eux, et il regrettait un peu que cela ne fut pas de ces orages qui pouvait durer des jours. Il était bien trop rapide, il ne ferait que passer au dessus d'eux, ne laissant que de vague souvenir dans les esprits, ainsi que des traces plus visible tel cet arbre calciné. Il n'aurait même pas eu le temps de jouer.

Il se tourna vers Dragora qui se mettait à parler aux volatils. Étonnante, vraiment. Ses actions était presque peu digne d'un dragon, mais venant d'un dragon du clan du ciel, de la chef qui plus est, cela ne l'étonnait pas. La paix s'étendait à toutes les créatures, aussi pitoyable ou dangereuse soit-elles.
Il ouvrit un instant la gueule, puis la referma sans avoir rien dit. Qu'avait-il à dire, après tout ? S'il la laissait faire ce qu'elle voulait, il n'allait tout de même pas l'encourager dans cette voie ?
S'occuper de stupide piaf en cet instant, franchement. Il retourna la tête vers dehors, peu enclin a aider les fauteurs de trouble. Il n'allait tout de même pas se "prostituer" à ce point.

Les trois oiseaux étaient très effrayés par la dragonne. Certains piaillaient comme des oisillons. Dragora tenta d'abord de les calmer en ne faisant que des gestes lents et doux, mais elle se rendit compte que c'était peine perdue. Ses yeux tristes, elle ne parvenait pas à se dire concrètement qu'il n'était pas possible d'apprivoiser de tels oiseaux lorsque l'on était au sommet de la chaîne alimentaire. La pauvre, elle aurait tellement aimé en faire ses amis ; après tout, tous les quatre fuyaient l'orage. Là, la dragonne se rendit compte à quel point la vie d'un oiseau était difficile.

"Oh, pauvres petits... Je prends conscience de ce que vous vivez chaque jour. Aujourd'hui, comme moi, vous craignez l'orage, et c'est la seule chose qui nous unit. Mais les autres jours, même quand le temps est clément, même lorsque le soleil brille dans toute sa générosité de créer la vie, vous vivez dans un enfer. Vous passez votre temps à chercher de quoi vous remplir votre petit estomac pour ne pas mourir de faim. Vous vivez sans cesse dans la crainte et le stress de vous faire surprendre par un prédateur. Ah, quel dure, dure vie ! Et c'est ce qui nous différencie, finalement : vous vivez chaque jour dans la peur de la mort. Quelle souffrance ignoble !"

Dragora avança délicatement une patte vers l'un des oiseaux mais celui-ça s'écarta en poussant des cris stridents. La dragonne entendit vaguement le tonnerre gronder, mais le bruit était très faible grâce au bouclier invisible de Nidhögg. D'ailleurs, quel était l'avis de celui-ci à propos du comportement de la dragonne ? Elle l'ignorait mais elle n'y pensait pas. Une étrange colère montait en elle.

Pourquoi ces oiseaux ne la comprenaient-ils pas ? Pourquoi s'obstinaient-ils à hurler de peur tels des dragonnets ? Ne sentaient-ils donc pas les vagues de chaleur sympathique qui émanaient d'elle ? Ou étaient-il simplement stupides ?

Une lueur malsaine s'alluma dans l'oeil de la dragonne qui projeta brusquement son corps en avant, ouvrit ses mâchoires carnassières et écrasa les frêles os de ceux qu'elle protégeait l'instant d'avant. Un cri aiguë raisonna dans la grotte. Le troisième oiseau, rescapé, se rua vers la sortie de la caverne pour tenter d'échapper au massacre, tandis que les deux autres étaient déjà des apéritifs.

Après ce frugal et repoussant repas, Dragora, l'oeil terne, rejoignit Nidhögg devant l'entrée de la cavité. Elle s'assit lourdement au sol, puis s'allongea comme si elle tombait. Le bout de sa queue battait l'air nerveusement.
Après quelques instants à observer les nuages passer, elle prononça deux mots :

"Quel gâchis."

Le dragon écoutait d'une oreille la dragonne faire une ode à la pauvre condition des oiseaux. Il se fichait bien de ces créatures fragiles, et trouva le discours à la fois ridicule, et exceptionnellement long venant de la part de Dragora. Elle qui lui parlait de manière sèche et en allant droit au but, une telle flopée de mot semblait étonnante. Il était en train de se dire que la dragonne n'avait pas du passer énormément de temps prêt du lac trouble pour insinuer que les dragons étaient des super-prédateurs. Même les gens de leurs race étaient de la viande. Cependant, quelque chose avant changé, et le piaillement plaintif des créatures éveilla son attention.
Il n'y avait aucune chance que les oiseaux accordent suffisamment de confiance à Dragora pour qu'elle puisse les approcher. Elle avait, basiquement, une gueule bien trop chargée de croc pour qu'un oiseau se risque sur sa patte. Obtenir la confiance d'une frêle créature était toujours long et fastidieux. Comme obtenir la confiance totale de Dragora risquait de l'être.

Ce qui se passa ensuite n'était pas quelque chose qu'il aurait pu prévoir. Voila qu'elle se propulsa en broyant sous ses mâchoires les frêles créatures, ne laissant qu'un survivant. Il laissa l'oiseau filer, ne prenant même pas la peine de tourner la tête pour un tel amuse gueule. Des plumes tourbillonnèrent une dernière fois avant de toucher le sol, certaines tâchées de sang. La dragonne s'était laissée assise à ses côtés, et il la regardait avec attention, essayant de comprendre ce qu'il venait de se passer.
Il n'avait pas crut Dragora aussi instable. L'étrangeté des actions de la dragonne le laissait perplexe, et son cerveau tournait à plein régime pour tenter de mettre une explication sur le comportement de la dragonne aux écailles de nacre.
Alors qu'elle se laissait choir, il observa le regard terne qu'elle semblait avoir en l'instant. Il était évident qu'elle n'allait pas bien, et que cela était du a son état actuel. Une charge de chef de clan était une lourde tâche pour une jeune dragonne. D'autant plus la tâche ingrate qu'était celle de chef des célestes. Les choix n'étaient jamais les bons, le but jamais atteint, et elle devait supporter tout cela. Toute seule, comme semblait le montrer son envie de se lier avec les oiseaux. Mais elle n'avait pas la patience d'apprendre à connaître, a apprivoiser. Elle semblait bien trop las pour ça, et avait besoin de soutient sur l'instant.

La conclusion du dragon vert ne lui plaisait pas. Cependant, il se devait de l'aider sans quoi il n'obtiendrait rien de sa part. Elle cèderait avant, et se ferait emporter par la première créature venue, dragon ou monstre.

"- Quel gâchis."

La voix était lourde se la lassitude qu'il avait crut apercevoir chez la dragonne. Lui aussi trouvait que c'était du gâchis, mais il ne parlait pas des oiseaux. Il déplia aussitôt son aile, et cette fois ne lui laissa pas le choix. Il attira la dragonne contre lui, maintenant une pression forte mais chaleureuse. Il posa son museau contre la joue de Dragora, appuyant - ou lui permettant de s'appuyer - sa tête avec douceur.

"- Ce n'est la pas des actes digne de vous." Fit-il d'une voix douce, presque tendre. Sa queue alla s'enrouler autours de celle de Dragora sans l'empêcher de s'agiter. "- Il n'y a pas que les oiseaux qui vivent sous une peur constante. Nous avons tous des craintes qui nous accompagnent et qui nous ronge. Nous avons nos propres démons, et le votre semble vous épuiser." Il frotta son museau avec tendresse et sensualité contre la peau de neige, afin de la réconforter, sur la joue, le museau, prêt des crêtes, sur l'arcade sourcilière. "- Si je puis vous être d'une quelconque aide, alors n'hésitait pas à me le faire savoir. Même si cela ne fait que soulager le pénible de votre vie, panser vos blessures, soulager le poids qui vous étouffe.."

Il descendit légèrement vers le cou, le regard mi-clos, avant de retourner sagement vers la joue.