Le réveil de L'arbre-monde

La forêt ombrageuse abritait bien des mystères. La forêt qui accueillait les réunions des clans gardait, profondément endormis, une créature des plus étrange. Un bosquet éloigné de tout passage animal et surtout draconnique, jalousement gardé secret par un dragon du clan de la terre, ne laisse rien voir de ce qu'il renferme. Pourtant, il possède, bien dissimulé derrière les branches, la rêveuse. Statue de pierre, figée dans l'instant, elle a encore le cou droit et la tête haute, fièrement, lançant presque un défit. Cependant, si ses pattes avant soutienne encore son corps, les pattes arrières sont affaissée, les ailes dépliées et pendante. La queue ondule légèrement derrière elle, le bout et son dard replié comme par un tic causé par la douleur. Un pieu se trouve planté à côté de la patte avant gauche, profondément enfoncé dans le flanc. Mais la roche a perdu de son éclat, et est couverte de plaque de mousse par endroit. Du lierre a eu le temps de s'accrocher, emprisonnant la statut dans un écrin végétal.
Seule et immobile, depuis maintenant un peu plus de trois ans, elle dort.

Elle rêve. Flottant dans un grand vide, elle rêve, avec l'impression que son corps est plongé dans l'eau, engourdit et ne touchant aucune parois dure, rien auquel elle pourrait s'accrocher. Elle rêve, paisiblement, habitué au silence, à la solitude. Elle ignore ou elle se trouve réellement, elle ignore combien de temps est passé. Elle se rappel juste que, il y a une éternité, elle était en train de mourir et qu'une once d'espoir l'a enfermé dans ce monde. Non, un dragon, pas l'espoir. Rüstung. Oui, c'était lui qui l'avait emprisonné avec l'espoir de trouver quelqu'un capable de la guérir. Peut être avait-il oublié Yggdrasil... Non, ce n'était pas possible. Alors peut être était-il mort, peut être même de vieillesse, incapable de trouver un guérisseur capable de la garder en vie.
En vie. Elle n'était ni vraiment morte, ni vraiment vivante. Elle aurait voulut pouvoir ressentir, entendre, avoir mal même. Au lieu de cette impression de flotter dans le vide sans aucun contact, au lieu de ce silence si profond qui l'envahissait.
Le silence...

Rien. une fois de plus, il n'y avait plus rien eu. Peut être s'était endormis, ou alors elle s'était arrêtée de penser quelques minutes, ou des jours. Aucun moyen de le savoir. Elle savait que Rüstung trouverait un moyen. Il ne la laisserait jamais ainsi volontairement. Il la laisserait mourir pour de bon si rien ne pouvait être fait. Cet espoir l'empêchait, elle le savait bien, de laisser sa volonté s'éteindre.
Elle rêve. Elle voit des dragons, prisonnier d'un arbre qui grandit chaque jours plus encore, enfermement les dragons dans ses branches, ses racines, dans son tronc. Et puis le brouillard se lève, et le monde est calme. Un dragon saigne, la douleur lui arrache des hurlements, mais personne ne peut le sauver. Il meurt.

A nouveau du vide. Seul la douleur et le regret reste. Pourquoi elle ? A-t-elle jamais fait le mal volontairement ? Elle rêvait d'un monde juste, et avait fait de son mieux ! Pourquoi un tel châtiment ?
Pour elle le temps n'existe plus. Ce n'est qu'une notion, une idée qu'elle ne peux matérialisé. Ni faim ni soif, ni douleur pour lui donner une idée de ce qu'il se passe. Elle est juste une étincelle d'intelligence dans un vide absolut.
Silence. Une épreuve, il s'agissait la d'une épreuve. Elle devait être forte. On la sortirait et elle pourrait devenir Yggdrasil. Le vrai Yggdrasil, celui qui soutient le monde. Il fallait être forte, attendre, et elle finirait par être libre, malgré la douleur. Attendre...
Elle rêve encore. Elle est libre et elle peut voler. C'est si bien.
...
..
.

Il fait jour, le soleil brille fort. Dans le bosquet, les rayons filtre en des puits lumineux qui entourent la statue. Elle est pareille à d'ordinaire, immobile. Elle rêve encore, sans savoir si cela est vraiment un rêve ou si elle pense. Rien ne différencie cette journée, perdue dans le fil continue de ses impressions. Cependant, le bosquet n'est plus calme. Des dragons sont la, et la regarde. Un regard vert se met à briller.

Son monde tremble. Il disparait, se craquèle, et elle a peur. Est-elle en train de disparaitre avec lui ?
Et soudainement, des intrus envahissent son monde. L'air, un rayon de soleil qui l'aveugle, des fourmillements dans son corps. Sa tête la première est dégagée, et elle respire comme si elle était un nouveau née, respirant profondément l'air qui lui est offert, les yeux papillonnants, sa visions parasités par des tâches lumineuse du au soleil. Elle regarde sans le voir Rüstung, le reconnaissant d'instinct a force de l'avoir côtoyer, à côté d'une autre. Du lierre l'entoure, arraché sans ménagement.
Cependant, le répit fut de courte durée.

Une douleur sauvage l'envahit, intolérable, électrisant son corps si faible. Elle hurla et se laissa tomber, se froissant l'aile dans sa chute. Heureusement tombée du bon côté, la dragonne fulminait, hurlant sa douleur. Pourquoi l'avait-on sortit de son cocon pour lui infliger tant de souffrance ? Du sang sortait de sa gueule tandis que son poumon perforé ne lui servait à rien. Elle étouffait, elle avait mal, elle allait mourir. Sa queue s'agitait spasmodiquement, jusqu'à se que le dard se plante au sol et n'ancre le membre qui continuait à s'agitait avec violence. Ses yeux lancèrent un regard implorant vers Le groupe. Il lui fallait de l'aide...

"- Pitié..." Murmura-t-elle d'une voix si basse que seul quelqu'un tout prêt de sa gueule pouvait entendre sa supplique.

Rüstung n'en revenait pas de la chance qu'il avait eu.
Tout avait commencé alors qu'il s'était installé au bord d'une rivière dans une vallée verdoyante, il se sentait bien, parvenant à décompresser un peu malgré le poids qui pesait sur sa conscience. Laisser Yggdrasil figée, mortellement blessée, perdue quelque part dans une obscure forêt.
Il attendait patiemment de rencontrer quelqu'un capable de soigner ses blessure, une personne dont les pouvoirs seraient vraiment phénoménaux.
Près de la rivière il avait rencontré un dragon nommé Azphel ; celui-ci était plein d'esprit et s'entendait plutôt bien avec l'immobile.
C'est lui d'ailleurs, qui lui avait parlé de son amie, une certaine Dragora qui avait le pouvoir de régénérer les créatures vivante grâce à la lumière du soleil. Un tel pouvoir était prodigieux, exactement ce qui fallait pour sauver sa propre amie.
Allant à l’opposé de son comportement habituel, ses yeux s'était écarquillé au moment d'apprendre la nouvelle et il se redressant soudain, il déploya ses grandes ailes avant d'en donner un féroce coup afin de décoller du sol. Il avait volé le plus vite possible à la recherche de Dragora, il n'avait jamais fournit un tel effort physique, pas depuis des décennies.
Il avait fait un atterrissage catastrophe, arrachant un morceau de la falaise au sommet de laquelle se trouvait la dragonne. Reprenant son souffle avec grand mal, il lui avait expliqué ce qu'il attendait d'elle, lui promettant de lui être redevable à l'avenir. Parler vite équivalait pour lui à parler à une allure normale, son cœur battait plus vite que jamais, il avait l'impression d'avoir perdu son calme. Il n'était pas nerveux ou stressé, il avait juste "perdu son calme".
Heureusement, la dragonne accepta sans trop poser de questions.
Rüstung la conduisit alors à l'endroit ou reposait Yggdrasil, pétrifier et mortellement blessée, en sécurité sous cette forme, mais incapable de bouger ou de parler, en sommeil.
Ils volèrent de longue heures, l'immobile utilisant surtout ses grandes ailes pour planer, usant de son poids pour plonger en piqué puis profiter d'un courant ascendant, battant des ailes le moins souvent possible tout en conservant une allure rapide. Lorsqu'il arriva au-dessus de l'endroit ou il avait laissé son amie il y a des années et après s'être assuré que Dragora le suivait toujours, il se laissa tomber vers le toit de liane et de branche qui s'était formé au dessus du bosquet. Puis soudain, arrivant quasiment à sa surface, il rassembla toute ses force et battit férocement des ailes, créant un colossal courant d'air qui déblaya complétement le chemin. Il retomba alors au sol sur ses quatre pattes, soulevant un grand nuage de terre et de poussière mêlé de fragment de végétation. Une arrivé en trompe qui lui ressemblait bien, le nuage commençait à retomber lorsque Dragora arriva à son tour.
Rüstung observa la statue de son amie, elle n'avait pas bougée d'un pouce, elle semblait intacte, c'était une bonne chose.
Lorsqu'il se fut assuré que la guérisseuse était prête, il fixa alors Yggdrasil de ses yeux vert brillant : ceux-ci devinrent alors de plus en plus pâle et se mirent à vibrer à une fréquence folle. La roche semblait comme aspirée par son regard, quittant le corps de son amie d'enfance, la rendant à sa chair et à ses blessures.
Il la vit alors s'écrouler au sol, affligée par ses blessures, apparemment déstabilisé par les évènements brutaux qui se déroulaient autour d'elle. Comme il la comprenait.
L'immobile jeta alors un regard intense à Dragora, disant simplement.

-"Fais vite."

Il tentait d'ignorer l’apparente douleur d'Yggdrasil. S'affoler ou tenter de lui expliquer la situation maintenant ne la dérouterait que plus, la laissant souffrir d'avantage. De plus, lorsqu'elle serait soignée, elle comprendrait d'elle même, avec peut être quelques petites explication.
Rüstung ne s'impliquait jamais dans les douleurs des autres, quitte à paraitre distant. Mais il ne s'en faisait pas moins du soucis.

Dragora avait eu bien des surprises ces derniers temps.
Alors qu'elle se reposait au bord d'une falaise, remémorant ses faits passés, un étrange dragon brun dont certaines parties du corps étaient couvertes de mousse avait atterri derrière elle. Au départ, elle avait cru à une agression, mais les intentions de ce dragon s'étaient révélés comme étant tout autre : il lui avait demandé sur un ton étrange - ni lent, ni rapide - de lui venir en aide, que seuls les pouvoirs de la dragonne blanche étaient capables de le sortir d'un grand mal. Enfin, pas lui, mais quelqu'un d'autre.

Comme ne demandant pas mieux qu'à rendre service - et user un peu de son pouvoir pour le Clan de la Terre ne ferait qu'améliorer les relations, Dragora était immédiatement partie à la suite du mâle marron. Il ne semblait pas habitué aux voyages car sa façon de voler était un peu gauche, mais la dragonne ne le lui fit pas remarquer. Elle le laissa la distancer un peu pour préparer le terrain. D'abord, pour ne pas foncer tête baissée dans un piège éventuel. Ensuite, pour mettre ses pensées en place et vérifier que les rayons du soleil étaient visibles. Il était question de vie ou de mort, à ce qu'elle avait compris ; il fallait donc être prête. Elle commença déjà à rassembler mentalement ses pouvoirs qu'elle n'avait pas utilisés depuis longtemps (la dernière fois, c'était quand un serpent marin lui avait chopé la patte au Lac des Troubles).

En passant au dessus de la Forêt des Ombres - Dragora aimait bien l'appeler ainsi - le dragon brun piqua soudain vers le sol, d'une manière si brutale que même la dragonne n'aurait pas risqué tenter. Un nuage de poussière monta au-dessus des arbres lorsque le bruit de l'atterrissage du mâle se fit entendre. Dragora se posa alors à son tour, un peu à la traîne. Et ce fut là qu'elle vit.

Elle vit un rocher. Tout d'abord, celui-ci, planqué au milieu d'un bosquet, ressemblait à tout autre rocher. Il avait même été couvert de lierre avec le temps. Mais quelque chose différenciait ce bloc de pierre des autres. A l'intérieur, il y avait de la vie, et Dragora le sentait.

Soudain, le bloc frissonna, se craquela, se fissura de toute part, et une dragonne argentée semblant mal en point tomba de l'intérieur de la pierre. Un horrible pieu était planté dans son thorax, non loin du coeur ; et sa respiration était difficile. La chef des Célestes comprit tout de suite qu'il y avait urgence. Le dragon brun la pressa.

Alors elle s'approcha de la dragonne d'argent, s'accroupit juste à côté d'elle et ferma les yeux. Son esprit quitta en partie son corps et inspecta la blessure. Elle était terrifiante. Le pieu avait déjà transpercé le poumon, et s'il s'était trouvé un pouce un peu plus sur le côté, le coeur aurait été touché. Il était d'ailleurs étonnant que la dragonne ne fût pas encore morte. Mais le temps n'était pas aux questions. Il fallait agir et vite !

Après cette inspection d'une milliseconde, Dragora leva doucement le museau vers le ciel, ouvrant les yeux pour capter la lumière du soleil ; puis elle rassembla en elle tous les fragments de son pouvoir dispersés dans son esprit. Ce n'était pas facile et cela la fatiguait. Une blessure moins grave ne lui aurait pas demandé autant d'efforts. Peut-être qu'elle allait s'évanouir à force de consommer autant d'énergie, mais au moins, elle aurait sauvé une vie ; et le Clan de la Terre lui revaudrait ça.

Des nuages menaçaient à chaque instant de cacher l'astre du jour. Pour le moment, celui-ci semblait entouré que de ciel bleu ; c'était le moment propice. Dragora ferma les paupières de nouveau et toucha la blessée du bout du museau, puis envoya son pouvoir au travers du corps argenté. Ses sourcils se fronçaient souvent, sa concentration était telle que si en ce moment-même, un arbre lui était tombé dessus, elle ne s'en rendrait pas compte.

Tout d'abord, elle consolida les os qui avaient été fracassés. Puis elle rassembla les chairs qui avaient été tranchées. Alors elle remarqua que quelque chose n'allait pas. Si elle réparait les organes qui se trouvaient autour du pieu, celui-ci ne pourrait plus être retirable par la suite. Une seule solution : si on ne voulait pas que cette dragonne se baladât avec un pieu dans la poitrine, il fallait l'enlever maintenant ou jamais, quitte à faire horriblement souffrir sa porteuse.

Trop concentrée pour parler, Dragora le fit elle-même : sans prévenir personne, elle mit ses pattes sur le pique et le tira vers l'extérieur, assez vite pour que la douleur soit brève, pas trop vite pour qu'elle ne cassât pas quelque chose d'autre au passage. Un grand cri se fit entendre mais la dragonne blanche ne voulait pas le savoir. Aussitôt l'opération terminée, elle posa de nouveau le museau sur la poitrine ensanglantée et envoya plus intensément que jamais ses pouvoirs. A présent que le pieu avait été retiré, la tâche semblait plus aisée. Mais elle restait toujours un défi. Les yeux clos, Dragora marmonna quelques incantations aux vertus inconnues mais dont les effets avaient déjà été bénéfiques par le passé. Un à un, les organes se recousirent d'eux-même. D'abord, les os... puis, les muscles... Puis, le poumon... Ça y était, elle avait presque terminé... encore un peu, juste un peu et...

Soudain, il y eut un problème. Le pouvoir n'arrivait plus. Au bord de l'évanouissement, la tête de Dragora tournait. Mais quelque chose d'autre n'allait pas. ue se passait-il ? Son pouvoir ne fonctionnait plus ? Elle n'avait pas encore fini ! Le poumon n'avait été qu'à moitié réparé !
Elle fit un ultime effort pour regarder vers le ciel. C'était bien ce qu'elle pensait : un nuage avait profité du beau temps pour se balader devant le soleil. Oh ! Si un dragon capable de manipuler les nuages existait...

Les yeux aussi fatigués qu'effrayés, Dragora tomba sur le sol, levant un nuage de poussière. Elle avait usé beaucoup de son énergie. Elle devait se reposer si elle ne voulait pas mourir. Mais même si le travail n'était pas tout à fait terminé, la vie de la dragonne d'argent était sauvée, et le danger parti. C'était tout ce qui comptait pour l'instant. La conscience de la dragonne blanche en paix, elle ferma les yeux, puis tout s’éteignit autour d'elle.

Les paroles de Rüstung l'atteignirent, mais elle ne put comprendre ce qu'il disait. La dragonne qui s'approchait d'elle lui rappelait quelque chose, mais elle n'arrivait pas à réfléchir, ni a se concentrer sur le visage. Elle sentait ses forces se dérober à elle, et elle luttait contre la douleur, labourant le sol, rejetant le lierre, la terre, tout. Elle ne voulait pas mourir et disparaître dans le néant, elle avait encore tant de chose à faire. Son corps était crispé, douloureux, et désespérément faible. Respirer lui faisait mal, bouger lui faisait mal, et pourtant, tout autours d'elle semblait vivant. C'était lumineux, ça bougeait, ça faisait du bruit, il y avait des odeurs, il y avait un beau chaos. Son cœur semblait battre deux fois plus fort, désireux de mettre ce chaos la au calme pour en apprécier la saveur, rester en vie, gouter à la liberté. Mais son esprit avait aussi peur. Peur de tout cela, et surtout de ne pas supporter la douleur qui allait venir forcément, peur qu'elle ne tienne pas le coup. Elle était déjà submergée, son esprit saturé par les messages que lui envoyait son corps.

Elle touchait, et Yggdrasil laissa échapper une plainte, trop faible pour s'agiter encore. Elle sentit un picotement dans son corps, sur la plaie. Que faisait-elle ? Tant que ce n'était pas douloureux, ça allait.
Et puis soudainement, une douleur terrible, abominable, compressant tout son corps. Elle poussa un hurlement déchirant, sa queue fouettant l'air avec violence, libérée. Elle s'était tendue, redressée un peu pour hurler, avant de retomber comme un sac, inerte.
Elle ouvrit les yeux, doucement. La peur la secoua un instant. Elle n'avait perdue connaissance qu'une poignée de seconde, voir de minute, mais elle avait eu l'impression, juste un instant, d'être retournée à l'état de statue, lorsqu'il y avait le vide. Elle n'avait plus mal à son flanc, et elle se redressa avec lenteur. Elle avait du mal à respirer, mais la douleur n'était plus aussi intense. La dragonne blanche était affaissée sur le sol, et elle reconnue Dragora avec surprise. Était-ce elle qui avait réparée son corps brisé ?
Elle observa son flanc un instant, la gueule grande ouverte pour bien respirer. Elle ne semblait pas totalement sortie d'affaire, et pourtant elle était la, bien vivante, capable de se lever, sans souffrance. Elle leva la tête vers Rüstung, et son regard sans pupille se voila. Elle retint ses larmes, et elle ouvrit la bouche, sans savoir ce qu'elle pourrait bien dire.

"- Je... Rüstung... Merci." Son regard se baissa vers Dragora. D'un côté, elle était contente de la voir inerte, et donc incapable d'entendre ses aveux.

Le pouvoir de le dragonne blanche était grand. Yggdrasil baissa la tête pour écouter, et fut rassurée en entendant un battement de coeur, une respiration. Même si le prix a payer semblait lourd en énergie, Dragora était capable de miracle. Sans elle, Yggdrasil était condamnée, la dragonne métallique en avait bien conscience. Elle devait la vie à Dragora, et ne comptait pas l'oublier, son honneur étant en jeu. Mais elle ne comptait pas se laisser marcher sur les pieds pour autant. Elle avait un grand projet à réaliser.
Elle se tourna et remarqua qu'elle n'était pas sur les lieux de son dernier combat. C'était fou de se retrouver ainsi dans une forêt. Son sens de l'orientation était totalement perturbé, elle ignorait quant et ou elle était. Mais Rüstung était encore la. Un peu plus de mousse s'était amassé sur son ami, et malgré son calme apparent, il avait l'air différent de d'ordinaire. Légèrement plus vieux, plus... angoissé.
*Combien de temps suis-je restée enfermée ?* pensa-t-elle avant de se rendre compte qu'il ne l'entendrait pas. Elle ouvrit à nouveau la bouche, cherchant ses mots, hésitante.

"- Combien ... de temps ?"

La dragonne toussa, crachant du sang. Elle n'était pas guérie entièrement, et elle avant le poumon en feu. Mais elle allait beaucoup mieux. Un nid de mousse se forma sous et autours de Dragora, poussant plus drue en un lit confortable. La mousse se forma d'un coup, et le résultat s’agrémenta de petite fleure blanche et de long brin d'herbe. Elle y était allé plus fort ? Elle ne s'en était pas rendue compte. La dragonne confortablement installée, elle se coucha à nouveau, pour économiser ses forces en attendant la réponse de Rüstung.

Rüstung, épuisé par le voyage et par la précipitation dont il avait dû faire preuve, s'allongea lourdement sur le ventre, les pattes arrières repliées et celles de devant croisée devant lui.
Il observait la scène avec une grande attention, détaillant chaque geste, chaque action et réaction de Dragora ainsi que d'Yggdrasil. Il replia complétement ses ailes et lâcha un grognement inquiet, il se demandait si la cheffe des célestes serait vraiment suffisamment puissante pour soigner son amie. Les choses semblèrent aller pour le mieux, cette guérisseuse n'avait pas froid aux yeux, car elle retira avec conviction le bout de bois qui transperçait le poumon de la future cheffe du clan de la terre et commença à user de son pouvoir. Celui-ci était proprement impressionnant : elle canalisait réellement la puissance du soleil en usant de sa synergie pour régénérer les blessures faites dans la chair et les os. L'immobile se fit alors la réflexion que son pouvoir était tout à l’inverse, changeant les choses vivante en pierre inerte, froides et mortes.
Soudain, un nuage passa dans le ciel et Dragora semblait avoir des difficultés à maintenir son pouvoir ; ce n'était guère étonnant si son pouvoir était basé sur la lumière du soleil, comme l'avait précisé Azphel.
Le dragon brun restait impassible face à la situation, ne pouvant rien faire de mieux qu'assisté à la scène, il n'avait aucun pouvoir ni aucune connaissance dans le domaine de la guérison, cela le frustrait un peu, mais il n'y pouvait rien.
Cependant, il voyait bien que l'épuisement gagnait la dragonne céleste à chaque seconde qu'elle passait à user de son pouvoir. A quoi cela servirait-il d'en faire trop ? Il ne fallait tout de même pas sacrifier sa propre santé pour rétablir celle de quelqu'un d'autre. Malheureusement, avant d'avoir pu achever son œuvre, Dragora s'écroula au sol, inconsciente après avoir vacillé une seconde. L'immobile ne se fit pas de soucis, elle devait seulement s'être évanouie après avoir trop forcé ; il était fou de voir ce qu'un total inconnu pouvait faire pour sauver une autre vie draconique ; il devrait réviser son jugement sur les célestes. Une telle dévotion.
Il releva alors la tête et cligna lentement des yeux avant de lâcher un grognement d'inquiétude : il croisa le regard vide de son amie d'enfance, celle formulant des remerciement d'une voix faible, ce qui le fit sourire. Après tout, lui n'avait rien fait d'autre que d'indiquer le chemin à celle qui l'avait véritablement sauvée.
Quelques secondes passèrent ou Yggdrasil semblait reprendre pied avec la réalité, cherchant à savoir ce qui se passait autour d'elle, ce qui était plus ou moins la preuve qu'elle allait bien.
Elle demanda alors combien de temps. Question vague, mais Rüstung savait parfaitement de quoi elle parlait : et à vrais dire, il n'avait jamais compter précisément, trop angoissé pour cela, mais il savait que plusieurs années s'était écoulées.

-"Quelques décennies..."

Son amie toussa fortement, éjectant un peu de sang par la bouche, son poumon n'était pas complétement réparé. De plus, elle s'était fatiguée à utiliser son pouvoir pour le confort de Dragora. Rüstung soupira, sa queue changea de position, se levant lourdement pour atterrir de l'autre côté de son corps, soulevant un petit nuage de poussière.

-"Repose toi... Imbécile."

Son regard était sévère, il savait à quel point son amie aimait en faire trop au moment ou il ne fallait pas. C'était fou, à quel point les gens aillaient parfois à l'encontre du bon sens pour suivre bêtement leur instinct. Il lâcha un nouveau grognement, d'exaspération cette fois-ci et tourna la tête vers Dragora, quand elle se réveillerait, peut être pourrait-elle finir le travail. L'immobile s'en voulait un peu d'être impuissant, de ne rien pouvoir faire à part veiller sur Yggdrasil. Mais il savait se montrer patient.

Le vide. Il faisait noir. Dragora flottait dans une espace étrange, dépourvue de soleil et d'étoiles. Elle nageait dans la mer du vide. Sa respiration était calme et régulière, mais son corps ne lui appartenait pas vraiment.

Soudain, une grande lumière ! La dragonne venait de se réveiller. Les rayons de l'astre du jour cognaient durs sur son nid. Son nid ? Sans bouger, elle observa autour d'elle. Effectivement, elle était sur une sorte de nid, un nid de mousse et de lichen, décoré de pâquerettes et de brins d'herbe. Comment cela avait-il pu pousser en si peu de temps ? A moins qu'elle n'eût dormi pendant plusieurs jours. En supposant que moins d'un jour se fût écoulé entre son évanouissement et son réveil, elle pouvait dire - à en croire la position du soleil - qu'elle avait dormi pendant environ deux heures.

Elle remua une patte. Tout fonctionnait, c'était bien. Ensuite, elle se leva, essayant de ne pas trop abîmer son lit de mousse, qui avait poussé sous elle, ce qui n'était normalement pas possible car elle cachait la lumière nécessaire aux plantes pour se développer. Ou bien elle devenait transparente quand elle dormait, mais c'était si saugrenu qu'elle dut chercher une autre explication.

Elle tourna alors le regard vers les deux dragons qui se trouvaient à côté. Un brun et une argentée... Ah oui ! La mémoire lui revenait. Ses souvenirs renaissant, Dragora tourna automatiquement son regard vers le soleil, car c'était grâce à lui que son opération avait fonctionné. Elle se rappela alors qu'elle n'avait pas tout à fait terminé son travail, en observant la poitrine encore déchirée de la dragonne d'argent. *Ne jamais faire les choses à moitié,* pensa-t-elle ; *toute chose doit être terminée avant de pouvoir passer à la suivante.*

Elle voulut s'approcher de ses congénères mais une de ses pattes, encore engourdie, lui échappa ; et elle s'étala de tout son long sur l'herbe et la terre, soulevant un nuage de poussière brune. En grognant, elle rampa vers la blessée pour finir son oeuvre. Son esprit tenta alors de rassembler de nouveau les fragments de son pouvoir, mais il était trop tôt ; elle était encore fatiguée, et son pouvoir ne s'était pas encore régénéré assez pour pouvoir le réutiliser.

"Oh, j'ai perdu le contrôle de mon pouvoir," pensa-t-elle tout haut, de telle sorte que les deux dragons pussent l'entendre.

Elle s'assit au sol. Sa "patiente" allait mieux. Mais il était clair que la tâche n'était pas terminée. Tout ce qu'il fallait faire était attendre que les fragments de magie reviennent à Dragora. Et pour passer le temps, elle décida de faire connaissance ; elle s'adressa alors au dragon brun, qui semblait étrangement être resté dans la même position depuis deux heures.

"Quel est ton nom ? Et celui de ton amie ? Tu n'as pas eu le temps de me le dire."

Des décennies ? Cela pouvait s'apparenter à une poignées d'années. Rüstung avait une très mauvaises notions du temps, et il n'était pas surnommé l'immobile pour rien. la ou un dragon ne pouvait pas rester immobile plus d'une heure ou deux, il pouvait rester figé tel la pierre durant des jours sans qu'il ne se rende compte que le temps passait. Non, demander à Rüstung le temps signifiait devoir traduire ses paroles pour trouve une approximation.
Mais des années... Cela était bien trop. Elle s'allongea docilement sur le flanc, la tête contre le sol, obéissant à Rüstung, sans même tiquer sur le mot imbécile. Il était bien le seul a pouvoir faire ça sans risque de représaille. Pouvait-elle vraiment s'accorder cela après une pause de plusieurs années ? Son clan devait être dans un drôle d'état, depuis le temps... S'ils n'avaient pas déjà trouvé un autre chef. Mais maintenant, elle avait tout ce qu'il lui fallait en tête... des projets pour son clan, la suprématie des terrestres, et surtout une vrais paix comme les célestes ne pouvaient pas leurs donner.

"- Le clan... Fonctionne-t-il encore ?" Demanda-t-elle, toujours allongée, détachant soigneusement chaque syllabes comme si elle parlait pour la première fois de sa vie.

Le clan de la terre avait des membres fort... Il ne pouvait pas être annihilé ainsi, ils auraient forcément gardé un minimum d'ordre. Et la tradition de l'élection d'un chef était bien trop ancrée pour que, même en une décennie, ils remplacent si facilement Yggdrasil.
Elle jeta un regard vers Rüstung. Il n'approuverait sans doute pas ses projets, du moins, pas au début. Déclarer la guerre pour avoir la paix pouvait sembler farfelue, mais c'était logique au final. Elle savait qu'il finirait par reconnaître la justesse de sa cause, et par la suivre dans ses projets. Parce qu'il était Rüstung, et parce qu'elle était Yggdrasil, il ne pouvait pas en être autrement.

Elle fut tirée de ses pensées par le réveil de Dragora, qui s'écroula en tentant de se lever. La dragonne grise/argentée se redressa, retenant une quinte de toux. Elle mesurait ses efforts pour ne pas se fatiguer, comme le souhaitait le dragon brun. Néanmoins, elle tiqua légèrement en sentait le contact du museau de Dragora contre son poitrail. Allait-elle finir le travail ? Curieuse, la dragonne métallique observa... mais rien ne se passa. Avait-elle du mal a terminer ses soins, pour une raison inconnue ? Ses doutes furent confirmé lorsque la dragonne aux écailles de nacre avoua avoir perdu ses capacités, pour le moment semblait-il.
Sans aucune gêne, la dragonne observa sa congénère avec attention, détaillant chaque spécificité pour plus tard.
Elle fut franchement agacée de ne pas être prise en compte par la chef du clan du ciel. Rüstung n'était que son bras droit, et ce de manière officieuse. On devait s'adresser à Elle, et à personne d'autre avant. Surtout pour des informations la concernant.

Prenant une posture pleine de noblesse, une lueur de désapprobation dans le regard, elle répondit aussitôt à la place du dragon brun, consciente que de toute manière, cela devait l'arranger.

"- Je suis Yggdrasil, Chef du clan de la terre. Et voici Rüstung, mage du clan de la terre. Je vous connais de par votre père. Vous êtes Dragora, du clan du ciel. J'ignorais cependant que vous étiez affublé d'un tel pouvoir." Elle étouffa une quinte de toux. "- Il est très puissant. Je vous suis redevable, Dragora du clan du ciel. "